• Cyberpunk Reload, épisode ça-va-peut-être-aller-maintenant-hein

    Voici le pendant de l'article sur le supplément "alternatif", Dark Metropolis. Son petit (grand ?) frère porte un nom chelou, Grimm's Cybertales, mais question auteur, éditeur, couvrante et aspect intérieur, c'est du pareil au même. J'aurai plus vite fait de vous renvoyer vers toute la première moitié de cet article précédent plutôt que de vous infliger un copié/collé. C'est là : http://mondesenchantier.eklablog.com/cyberpunk-reload-episode-on-ne-les-compte-meme-plus-a130570292

    Cyberpunk Reload, épisode ça-va-peut-être-aller-maintenant-hein

    Bon, comme le titre le laisse supposer, ce supplément a plus pris du côté de Les enfants de la nuit et remet donc une bonne couche de fantastique dans le game. Et ça, quand on tient à son cyberpunk bien comme il faut, ça fait venir des petits tics nerveux de désapprobation. Pourtant, contre toute attente, ce supplément est pour moi parmi les meilleurs de ma collection. Un petit poil derrière Dark Metropolis (y a quand même tout un chapitre à jeter dans celui-ci : voir plus loin), certes, mais plusieurs miles devant le moindre supplément R. Talsorian Games. A l'aise.

    Rassurez-vous, malgré le patronage des frères Grimm, on ne trouve pas de bestioles genre loup-garou dans le propos de ce supplément. Non, simplement, là où D. M. se proposait d'aller explorer le côté dur et sordide de la réalité de la mégalopole des années 2020, G. C., lui, nous invite à nous intéresser au côté étrange, occulte voire spirituel de la vie technologique de l'époque cyber.

    A vrai dire, la distinction entre les deux bouquins reste assez théorique. Par exemple, c'est dans D. M. que l'on trouve un chapitre sur les Near Death Experience qui auraient carrément eu leur place dans les intentions de G. C. On trouve aussi une redite assez maladroite (les mêmes... mais pas tout à fait) des règles de stress entre les deux bouquins. Quelques autres trucs comme le remix des règles sur la cyberpsychose auraient pu, au contraire, être dans D. M. C'est dommage car cela renforce un peu l'impression de fourre-tout qui reste quand même la marque de fabrique de cette série de suppléments. Cela aurait pu être un poil plus carré mais je suppose qu'à l'époque c'était édité sans visibilité sur la pérennité de cette gamme alternative (qui dispose aussi de quelques livrets de scénario comme Playground, Premature burial, Necrology, etc.).

    Pour être honnête, le début de G. C. n'est pas des plus enthousiasmants : règles de stress presque-pareil-mais-pas-tout-à-fait, petite système alternatif pour Humanité/cyberpsychose (bof), nouvelles compétences (méga-bof), etc. C'est presque du hors-sujet.

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    Non, le vrai propos du bouquin commence après la page 20 avec un gros chapitre sur les sectes (et autres groupes religieux chelous, ne jouons pas sur les mots). Voilà encore un truc qui avait échappé aux fins prospectivistes de R. Talsorian Games : le retour du fait religieux comme un aspect majeur des sociétés post-modernes. On est en plein dedans mais, à Night City en 2020, on  ne priait pas, Monsieur. Non, on ne priait pas. Le traitement est assez différent du reste du bouquin : pas de règle additionnelle pour créer ta petite secte à toi ! Non, du background classique mais de bon goût avec des fiches de sectes, certaines sur deux pages, d'autres sur un seul paragraphe. Là encore, pas question d'importer tout ce merdier à Night City, hein ? Mais assurément de quoi trouver de l'inspi dans cette veine. Bon, à la fin, Justin Schmid n'a pas pu s'empêcher de rajouter une petite règle pour gérer l'endoctrinement et la déradicalisation mais rien que pour le plaisir de voir aborder des sujets aussi brûlants dans un bouquin de JdR de 1994, on lui pardonne.

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    L'appréciation du chapitre suivant dépendra assurément de votre propre culture cyberpunk. Il est consacré au... Néo-Vaudou (bah quoi, Justin Schmid lui, il écrit bien Nouveau-Voodoo ?). A priori, je vous l'accorde, ça paraît... bizarre, pas vrai ? Mais, ceux qui se souviennent avec émotion de leur lecture de Comte Zéro du maître Gibson savent, les autres se contentent de ricaner bêtement. En vérité, c'est excellent. A titre personnel, j'affectionne plus que tout le cyberpunk (ou d'ailleurs SF d'anticipation) ethnique ou exotique et là, je suis servi. Invocation de Loas via la Matrice, néo-Zombies drogués jusqu'à la moelle, poupées Vaudou rendues possibles par l'Internet des objets... Comme on le voit, dans ce chapitre, à une présentation factuelle de ce Néo-Vaudou succèdent des pistes d'interprétation strictement technologiques de ces rituels, d'autres préfèreront peut-être y voir une "vraie" magie mais... laissons les questions qui fâchent pour plus tard. Là encore, coller du Néo-Vaudou de partout n'aurait pas grand intérêt mais offrir cette possibilité à un joueur pour typer fortement son PJ ou centrer un gros scénario dessus, je dis oui.

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    La suite est dans la même veine avec un chapitre de... bestiaire. Nan, c'est moi qui force le trait : pas de beholder ni d'ours-hibou du chaos. L'idée est quand même dans ces quelques pages de décalquer quelques classiques du medfan ou de l'horreur gothique et les remettre à la sauce cyber : les "goules" qui pillent les corps des organes récupérables et les "dorph zombies" contrôlés à travers une drogue puissante et abrutissante sont le haut du panier. On trouve des pages plus dispensables sur les tueurs en série. Par contre, à nouveau bien vu d'avoir pensé à intégrer dans cette petite galerie des horreurs des années 2020 les terroristes et autres mass murderers :-(

    Le chapitre suivant embraye sur l'idée de "fantastique technologique" avec un très bon développement sur l'idée du "ghost in the machine" appliquée à la Matrice : IA conscientes aux desseins mystérieux, "zombies" au cerveau connecté contrôlés par une IA malveillante, syndrome de paranoïa développé par les hyperconnectés, visions subies par ces derniers à, l'occasion de plongée trop longue ou trop profonde dans la Matrice, etc. A nouveau : plus de bonnes idées dans ces 15 pages que dans tout un laborieux Rache Bartmoss' guide to the net. Triste.

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    Le chapitre suivant est un bon résumé des forces et des faiblesses de ce supplément. Il est consacré... au sommeil. Oui, je sais, c'est encore bizarre comme idée. Et pourtant... quel cyberpunker ne s'est pas retrouvé à devoir prendre de la drogue pour rester actif pendant 72 h, à fixer des rendez-vous à un Mr Johnson à 3 h 00 du mat' dans un club glauque ou à se réveiller brutalement en pleine nuit en proie à des cauchemars intenses ? Et bien, c'est tout cela que ce chapitre se propose de mettre en jeu. C'est bourré de bonnes idées, y compris le développement du thème de l'onirisme dans le cyberpunk qui ouvre la porte à plein d'images inspirées de certaines scènes planantes de Blade Runner ou Ghost in the Shell. Par contre, Justin Schmid écrivant un supplément et pas son propre jeu (quel dommage...), il est finalement contraint de le traiter par des couches supplémentaires de règles additionnelles : points de fatigue (oui, comme dans Rêve de Dragon...), jets de sommeil, tables de troubles du sommeil... Il y a déjà beaucoup de choses à gérer dans un jeu cyberpunk alors si on applique toutes ces règles additionnelles, cela devient clairement l'usine à gaz.

    Bon, on arrive au moment gênant. Le dernier gros chapitre est consacré... à la magie. La vraie. Avec des listes de sorts et des profils de magots corporate. Misère... Alors, je sais que certains y trouvent leur compte et adorent ça : tant mieux pour eux. Mais moi, l'irruption du fantastique medfan dans le cyber à la Shadowrun, ça me fait direct sortir de ma suspension d'incrédulité à moi que j'ai. On était alors en pleine mode de Shadowrun (sorti 3/4 ans plus tôt à peine), c'était sans doute de bonne guerre de le faire mais pour moi, c'est à jeter. D'ailleurs, sans savoir ce qu'il y avait dans la tête de l'auteur, je soupçonne, en notant la façon de présenter cette irruption, qu'il n’était qu'à demi convaincu lui-même de la pertinence de ce chapitre croupion relégué en fin de supplément (par exemple, le Néo-Vaudou est d'abord présenté dans son chapitre à lui tout seul sans effets magiques puis repris dans ce chapitre là avec des effets magiques cette fois-ci... hum). Le pire, c'est que même dans ce chapitre, exception faite de toutes les règles de magie elles-mêmes, il y a quelques vraies bonnes idées comme l'infomancie ( = la divination via le big data... toujours en 1994 : wahou 8-0 ) ou le retour de flamme du chamanisme via la Matrice. Si on laisse le doute sur le fait que cela fonctionne ou non, ça peut carrément le faire...

    Le supplément se termine non pas sur un scénario mais sur une galerie de PNJ d'un intérêt très relatif.

    Comme on le voit, le supplément se commence et se termine de façon discutable mais ne jetons pas le tout sur une mauvaise impression : ça reste du tout bon si on s'en tient aux mêmes remarques que pour le supplément précédent. Il ne faut donc surtout pas chercher à intégrer tout cela (règles ou idées) dans sa campagne mais picorer quelques-unes des dizaines et des dizaines de putain de bonnes idées dont ces deux suppléments sont bourrés pour faire un cyberpunk riche et, miracle, encore pertinent aujourd'hui. Des pépites.

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