Encore une fois, l'excellent concours de scénario de mes camarades des Salons de la Cour d'Obéron m'a inspiré (les
mots-clefs à insérer obligatoirement dans l'intrigue cette fois-ci : "la fin d'un monde" et "un objet fragile") et j'ai donc à nouveau écrit un scénario pour le mythique Ombres &
Lumières.
Comme je le disais déjà alors, ce jeu est une légende : c'est une idée bien précise poursuivie par Xaramis (dont vous
pouvez parfois lire de temps à autre un commentaire sur ce blog) depuis quelques temps déjà mais qu'il n'a pas encore pu boucler. Donc, ne le cherchez pas, vous ne le trouverez pas. Il s'agit
d'un jeu historique et réaliste (pas de fantastique, pas de superhéros...) se déroulant dans la seconde moitié du 18ème siècle. Le 1er contexte prévu pour le jeu (oui, le garçon est ambitieux)
est l'incroyable Venise de ce temps. C'est un jeu que j'appelle de mes voeux : la période le mérite, Xaramis la connait avec passion et talent (la
preuve absolue) et le système de jeu qu'il a esquissé pour son jeu promet d'être intéressant et de combler, pour moi en tout cas, un manque. Un système très simple mais réaliste, rigoureux
et complet avec un soupçon de narrativisme.
Je vous copie ci-dessous le tout début de ce scénario. Si vous accrochez, n'hésitez pas à aller lire la suite sur le forum de la Cour.
L’œuf de Virgile
Scénario pour Ombres & Lumières
par Narbeuh
Résumé
Les personnages sont envoyés à Naples au service d’un riche patricien vénitien. Celui-ci a réservé par courrier un lot d’antiques fraîchement sortis des ruines d’une villa romaine recouverte 17
siècles plus tôt par la fureur du Vésuve. Ils sont chargés de se rendre sur place pour finaliser la transaction et s’assurer de la sauvegarde des intérêts de l’acquéreur. Hélas pour eux, à
Naples, rien ne va se passer comme prévu. D’une part, le volcan est à nouveau entré en phase active et menace toute la baie. De plus, d’illustres Anglais amateurs intéressés d’antiques vont
s’avérer être de redoutables concurrents. Les personnages vont devoir gérer ces imprévus et s’employer à sauver les intérêts de leur commanditaire… et peut-être ceux de la Sérénissime !
Conseils préalables
Ce scénario pour Ombres & Lumières ne constitue pas véritablement la suite des deux premiers essais que j’ai commis pour le jeu de Xaramis dans le cadre du présent concours. De
plus, il prend quelques libertés avec le contexte désormais habituel du jeu, la Venise du Settecento. Bien que ce scénario se déroule en effet en Italie en 1779, son cadre est la
région de Naples et non le domaine de la Sérénissime. Afin de conserver une cohérence avec les scénarios précédents et de manière à pouvoir envisager de reconduire la même équipe de PJs, on
fera tout de même en sorte que l’intrigue soit taillée pour des personnages étrangers au Royaume des Deux-Siciles, par exemple des Vénitiens ! Toutefois, il me revient que, dans ses premières
déclarations sur le jeu, Xaramis ambitionnait de donner pour cadre à O&L, après les intrigues de Venise, celles occupant les agents du Secret du Roi fondé par Louis XV. Bien entendu, en
1779, nous nous trouvons au début du règne de son successeur mai, somme toute, ce scénario conviendrait très bien à des diplomates ou agents plus ou moins troubles de la mouvance française. Il
faudrait alors adapter les enjeux diplomatiques exposés à la fin du scénario.
Si, comme on le voit, l’identité des PJs est laissée à l’inspiration du MJ, il n’en sera pas de même, cette fois-ci, de la date. Pour des raisons tout à la fois politiques (changements de
gouvernance aussi bien à Venise qu’à Naples) et géologiques (éruption du Vésuve), il ne sera pas possible de changer la chronologie de ce scénario. Notons qu’il se déroule seulement quelques
temps (3 ans si les conseils ont été respectés) après le scénario précédent (Les principes délétères) et peut donc, sans doute, être joué avec les mêmes PJs si on le désire.
Enfin, rappelons que ce scénario a été conçu pour correspondre au cadre et à l’esprit du jeu de Xaramis, Ombres & Lumières. Toutefois, en raison de l’indisponibilité momentanée de
ce jeu, ce scénario pourra être joué avec n’importe quel système light mais réaliste et quelques sources de renseignements sur l’Italie à la fin du 18ème siècle.
Avertissement
Jeu historique oblige, l’essentiel des éléments de l’intrigue ci-dessous sont authentiques : Hamilton, Acton, l’éruption de 1779, la légende de l’œuf et les enjeux diplomatiques décrits
correspondent, en l’état de mes connaissances, à la réalité historique. Toutefois, il est évident que la machination qui implique les deux Anglais est issue de ma seule imagination dans
un but ludique et non pour dénigrer les personnages réels auxquels ces intentions sont prêtées.
Ouverture
Pour que le présent scénario puisse démarrer, il faut que les PJs soient missionnés par un important patricien de Venise qui ait de bonnes raisons de leur faire confiance. Si l’extraction
sociale des PJs le permet, ce peut être un ami. Si les PJs ont joué les scénarios précédents de cette trilogie O&L et qu’ils y ont suffisamment cyniquement manœuvré pour se retrouver dans
le camp de la famille Loredan, ce peut être d’elle dont vient la mission. A défaut, le MJ improvisera un contact plausible. Cela n’est d’ailleurs pas si important : l’aventure ne se déroule
guère à Venise et le commanditaire n’y aura qu’un rôle diffus.
Finalement, ce fameux patricien prend contact avec les PJs et, en fonction des circonstances, demande à les rencontrer soit en son palazzo, soit en sa villa sur le canal de la Brenta.
Là, il leur confie pour mission d’être ses hommes de confiance à Naples. Il doit en effet y parachever une affaire à laquelle il tient particulièrement et qu’il ne saurait confier à ses
habituels capitaines de navires marchands ; il ne veut, en effet, pas les mêler à une affaire privée qui ne concerne pas les activités commerciales de la famille mais bel et bien ses propres
préoccupations. Que ce soit par amitié, clientélisme ou appâtés par la récompense promise, les PJs doivent bien entendu accepter pour que cette aventure ait lieu.
Une fois obtenu l’assentiment des PJs, le patricien se livre un peu plus. Il se dit fort amateur d’antiques et cherche à accroître sa collection. Il est donc en contact avec Zaccardo, un «
antiquaire » de Naples qui fouille en ce moment même une villa d’époque impériale ayant déjà livré de beaux fruits. Il est d’ailleurs furieux car des collectionneurs installés dans la place ont
déjà raflé les plus belles pièces mais, faute de mieux, il a préempté le reste du résultat des fouilles. A cette occasion, il se rend compte de la faiblesse de sa position d’acheteur lointain :
il est servi en dernier, au prix fort et sans garantie sur la qualité de ce qu’on lui livre. D’où la mission des PJs : ils doivent se rendre séance tenante à Naples et y finaliser la vente en
s’assurant que les intérêts de l’acheteur soient sauvegardés puis ramener les pièces à Venise. Pour ce faire, il leur confie le courrier contenant la promesse de vente de ce Zaccardo ainsi
qu’une lettre de change permettant de se faire remettre à Naples la somme nécessaire à la finalisation de la transaction. Enfin, un navire marchand devant justement se rendre à Naples pour
affaires leur permettra de faire la route.
Le MJ adaptera le profil de la mission en fonction de l’identité exacte des PJs : des marchands seront chargés de négocier, des érudits de contrôler l’authenticité des pièces, des combattants
d’en protéger l’intégrité, etc.
En fonction du niveau social des PJs, des paroles qu’ils pourraient tenir ou encore de l’éventuel lien de longue date qui existe entre le patricien et eux, le MJ pourrait souhaiter livrer aux
joueurs tout ou partie de ce qu’on lira au paragraphe suivant.
Avant le départ
Des PJs prudents voudront peut-être profiter de leurs dernières heures à Venise pour amasser quelques renseignements pouvant les aider à y voir plus clair dans leur mission.
· à propos de Naples : il s’agit de la plus vaste et populeuse cité de toute l’Italie. On dit qu’elle compte au bas mot 500 000 habitants. Elle est désormais la capitale du
Royaume des Deux-Siciles. La ville est réputée pour son paysage : elle est posée en équilibre entre le rivage d’une splendide baie et la masse fumante et menaçante du Vésuve, volcan en activité
continuelle. Ces dernières années, le volcan s’est révélé particulièrement actif avec plusieurs éruptions mortelles. On dit qu’aujourd’hui encore il fume abondamment et gronde de façon
inquiétante. Toutefois, il est vrai que la présence de ce volcan est aussi cause de la plus grande gloire de la région qui s’enorgueillit depuis quelques années des découvertes archéologiques
stupéfiantes que l’on y fait très régulièrement : Pompéi, Herculanum ainsi que de nombreuses villas romaines isolées dont les riches décors ont été enfouis et préservés par les boues ou les
cendres déversés il y a 17 siècles par la furie du Vésuve. Le trafic d’antiquités est devenu une des activités économiques les plus lucratives de Naples.
· à propos des relations entre Naples et Venise : l’une au sud, l’autre au nord, les deux cités devraient avoir finalement peu de raisons d’entretenir des relations étroites ou
tendues. D’ailleurs, les échanges commerciaux, s’ils ne sont pas nuls comme le prouve le navire armé par le commanditaire des personnages (chargé de lingots de fer et de pièces de toiles
diverses), ne sont guère intenses. Ceci dit, tout ce qui touche de près à la navigation en Méditerranée concerne la Sérénissime. Or, depuis peu, le Royaume des Deux-Siciles s’est lancé dans un
vaste programme d’armement naval qui ne manque pas d’inquiéter jusqu’au Palais des Doges où on aimerait fort en apprendre plus long sur ces ambitions nouvelles. On dit que celles-ci ne sont pas
sans rapport, assurément, avec la faveur toute neuve de l’Anglais Acton, devenu depuis quelques mois seulement, le premier ministre du faible souverain napolitain, Ferdinand IV. Il serait mal à
propos que les Anglais profitent de cette faveur pour étendre encore un peu plus leur domination navale sur la Méditerranée. Il se sont déjà installés à Gibraltar et ont dit qu’ils lorgnent
aussi l’île de Malte.
· à propos de leur commanditaire : ce patricien a vu la fortune lui sourire depuis une dizaine d’années ; comprenant que le grand commerce ne serait plus jamais l’apanage des
Vénitiens, il a réorienté ses propres échanges avec d’autres ports italiens, privilégiant aux armements au long cours un cabotage modeste peu risqué, aux rendements sûrs et réguliers. Il tire
aujourd’hui les fruits de cette stratégie commerciale. Il a pu faire rénover son palazzo urbain tout comme sa villa palladienne. Dans cette dernière, il souhait sacrifier à la mode des
antiques en peuplant son vaste jardin à l’italienne de bustes authentiques et en ouvrant à ses visiteurs les plus prestigieux un cabinet regorgeant de médailles et autres vestiges
gréco-romains. Pour le moment, tout cela n’est guère qu’à l’état de projet et il est possible de trouver quelques témoins se gaussant de la médiocrité de la collection du nouveau riche. Les
mêmes prétendent méchamment que l’armateur achète tout et n’importe quoi dans l’espoir de combler son retard. Il est alors inévitable, disent-ils toujours, qu’il se fasse refiler quelques
pièces médiocres à prix d’or voire quelques faux grossiers…
Si les PJs ne prennent pas le temps de le faire avant le départ, il serait bon pour l’intérêt du scénario qu’ils puissent malgré tout se renseigner sur tous ces sujets. On fera ainsi de Luigi
Vitale, le capitaine du navire marchand qu’ils empruntent, un fin connaisseur de Naples et de son propre patron.
Arrivée en baie de Naples
Le long voyage jusqu’à Naples n’est en lui-même guère le principal atout de ce scénario. Un MJ tenant absolument à tous les clichés liés à une transition maritime pourra mettre en scène une
tempête ou une attaque de pirates des Pouilles ou de Barbarie mais ce serait perdre beaucoup de temps pour peu de choses. Seules, à la rigueur, les discussions avec le capitaine peuvent être,
comme on l’a vu, fructueuses.
L’arrivée nocturne dans la baie de Naples est une toute autre affaire ! A des milles à la ronde, les PJs sont tirés de leur sommeil par les clameurs de l’équipage. Lorsqu’ils montent sur le
pont, ils sont estomaqués par l’étonnante lueur rouge qui éclaire le ciel, plutôt inhabituelle à cette heure. De fait, le ciel nocturne est rouge des rejets incandescents d’un Vésuve encore une
fois passé en phase d’éruption active. Le cratère n’a fort heureusement pas explosé mais rejette de temps en temps des gerbes d’étincelles et de morceaux de roches en fusion. Parfois, de
timides coulées de lave menacent de descendre le long des pentes du volcan mais s’arrêtent bien vite, heureusement avant d’atteindre les zones habitées. Vue de la baie, sous la pâle clarté de
la lune, la scène est vraiment impressionnante pour des personnages qui, vraisemblablement, n’ont jamais vu un volcan actif de leur vie.
L’arrivée au port est particulièrement confuse. La peur de la colère du Vésuve a vraisemblablement saisi une partie des habitants et plus personne ne semble capable de faire régner l’ordre dans
les bassins et sur les quais. De petites embarcations chargées de passagers coupent plusieurs fois la route du vaisseau marchand avant que celui-ci ne finisse par s’attribuer lui-même un espace
du quai pour accoster. A peine les amarres sont-elles fixées que des individus viennent demander quand le bateau compte repartir et s’il prend des passager.
Dans ces conditions, les PJs ne s’étonneront guère que la personne que Zaccardo devait leur envoyer pour les accueillir et les conduire jusqu’à sa demeure ne se trouve pas là. Ils vont devoir
se débrouiller seuls…
(...)
L'intérêt de cet article de blog est aussi de vous livrer quelques bonus utiles, des illustrations et des liens vers de
la doc en ligne. Alors, allons-y.
Tout d'abord, rappelons que, si l'intrigue est de pure imagination, elle utilise au maximum le contexte et les personnages historiques bien réels.
Faute de sources plus abondante et plus précises, il est utile de se référer d'abord aux articles Wikipedia concernant notre sujet :
- sur William Hamilton
- sur Joseph Acton (dont le portrait en illustration de tête d'article)
- sur Marie-Caroline, véritable souveraine de Naples
Voici également quelques rares informations et photgraphies contemporaines sur le château de l'oeuf : http://www.naples-napoli.org/coteNaples_oeuf_info.html
Ceux qui sont (très !) courageux ou qui, plus simplement voudraient s'assurer de la véracité de certains faits intégrés à l'intrigue, pourront feuilleter la version numérisée par la BNF de la monographie publiée par Hamilton sur... la grande éruption du Vésuve en 1779. La classe comme
aide de jeu, non ?
Dans la même veine, on trouve assez facilement des peintures, rélaisées par des Touristes ou autres artistes de passage, de vues du Vésuve en colère, chose très fréquente dans les années 1770.
Celle-ci, datée de 1774 et signée de Hackert, restitue particulièrement bien l'ambiance de ce scénario :
La Naples du 18ème siècle est aussi mondialement réputée alors pour la magnificence du chant de ses castrats (dont le fameux Farinelli). Rien à voir avec l'intrigue, certes, mais bienvenu pour
sonoriser la partie si vous êtes adepte de ce type d'aide à la mise en scène. Si vous n'avez pas de disques de ce type, vous pouvez vous reposer sur l'incroyable Deezer et, par exemple, sur
l'album dont est tiré ce sublime extrait :
Enfin, retour au concours lui-même, preuve absolue que, dans les Salons de la Cour, on est hommes de bon goût, vous
trouverez dans la liste des scénarios en lice un essai de Pitche pour... Terra Incognita ! Que le
hérault des jdra en soit ici remercié et j'espère qu'on entendra bientôt reparler, sous une forme ou une autre, de ce scénario intitulé "Déclin des pascuans".
Et si vous commenciez par voter pour lui ? C'est là que ça se tient : http://couroberon.com/Salon/index.php/topic,2020.0.html