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La fin du travail, essai de J. Rifkin
Par
Narbeuh dans
Archives MeC le
8 Avril 2009 à 16:59
Longtemps, j'ai été hanté par une image d'un des livres d'illustrateurs de SF que, dans sa grande bonté, ma bibliothèque municipale (la même que celle qui organisa une
mémorable après-midi d'initiation au jdr...) mettait à la disposition des jeunes imaginations promptes à s'enflammer. On y voyait le tarmac d'un spatioport où des robots gardaient de près des
êtres humains nus et enchaînés, sans doute en attente d'une quelconque déportation lointaine. Le contexte était limpide : les robots avaient gagné, les humains n'avaient plus d'avenir et étaient
envoyés au rebut.
Arrivé au lycée, filière sciences éco (B pour les vieux...), mon professeur d'alors se chargea de me remettre dans le droit chemin de la science, la vraie (fut-elle économique...), pas celle avec
le mot honni de fiction accolé. Foutaises, disait-il alors : pour chaque emploi occupé par un robot, il s'en crée plus d'un pour concevoir ou entretenir ledit robot. C'est notoire. D'où une
perspective formidable de croissance économique ininterrompue. Encore jeune, je pris notes de cette leçon avec la certitude de détenir une nouvelle vérité. Mais, quand même, il restait dans le
coin de mon esprit un léger doute qui me renvoyait à chaque fois vers l'image des humains en attente de déportation : que deviennent exactement les gens mêmes qui occupaient auparavant l'emploi
tenu par le robot ? A moins d'un miracle de formation continue, il est peu probable qu'ils deviennent tous ingénieurs en robotique ou technicien très spécialisé dans la maintenance des
robots...
Quelques années plus tard, Jeremy Rifkin m'apporte enfin quelques lumières sur ce dilemne de jeunesse grâce à La fin du travail, un essai pas si récent paru aux éditions de La
Découverte.
Difficile de résumer un gros bouquin écrit tout petit sans images en une note de blog mais la thèse défendue par Rifkin depuis le début des années 1990 est toute autre. Elle semble aussi des plus
limpides. Selon Rifkin, les gains de productivité permis par la technologie (robots, ordinateurs...) ne sont PAS compensés par la création en nombre suffisant de nouveaux emplois, qu'ils soient
induits ou "libérés" (dans la culture, les services à la personne...) par le fait que, désormais, une machine s'occupe des anciennes tâches indispensables. L'effet peut en être mesuré au
quotidien : depuis que robots et ordinateurs (ou même simples machines de bureau comme les photocopieuses) se multiplient, disons depuis les années 1970/80, il existe un chômage structurel
important que tous les plans de flexibilité accrue n'ont jamais complètement réussi à résoudre (et, cela ne semble pas demain la veille à l'heure où je vous écris...). Voilà, là aussi, une
explication plus satisfaisante, à mon goût, que les sempiternels "chocs pétroliers" dont on peine à imaginer let comprendre es effets à long terme sur toutes les années 1980 et 1990.
Surtout, ce qui m'intéresse particulièrement chez J. Rifkin, c'est que, contrairement à des économistes plus "terre-à-terre", il apprécie tout particulièrement se tourner vers le futur. Et voilà
donc pourquoi je vous en parle dans ce blog où il ne m'est guère habituel de relater mes lectures citoyennes. Rifkin s'est déjà illustré dans le domaine de la prospective économique avec Le
siècle biotech, L'économie hydrogène (pas encore lu celui-ci) et, surtout, le formidable L'âge de l'accès dont nous vous reparlerons bientôt dans ces pages. Toutes ces
lectures me semblent hautement indispensables pour appréhender TAZ, le futur jeu d'anticipation de Mondes en Chantier. Bien sûr, cela peut sembler fort éloigné des préoccupations d'un
joueur lambda vu par le prisme Talsorian (lire les Cyberpunk Reload...) mais cela aide au plus haut degré à se mettre les idées au clair sur les lignes de force du futur.
Donc, Rifkin ne se contente pas du constat qu'il pouvait dresser courant 1990's. Il y ajoute d'inquiétantes interrogations sur l'avenir : et si l'Intelligence Artificielle se développe, comme
beaucoup de scientifiques le pensent, au courant du 21ème siècle. Quels emplois resteront aux hommes ? Les progrès agricoles successifs depuis le 16ème siècle ont libéré de la main d'oeuvre
disponible qui a permis l'émergence du secteur secondaire. Les révolutions industrielles successives depuis le début du 19ème siècle ont permis de libérer des emplois industriels, ce qui a permis
lémergence du secteur tertiaire. Or, il est manifeste que le secteur des services est aujourd'hui révolutionné par l'emploi des ordinateurs, des smartphones, du Net et, demain peutêtre, des
agents informatiques intelligents. Dans quel hypothétique 4ème secteur iront cette fois-ci les emplois "libérés" par cette nouvelle révolution économique ?
Rifkin consacre une partie importante de son ouvrage à des propositions de solutions qui peinent un peu à convaincre (réduction du temps de travail, développement de l'économie sociale et du
bénévolat...) mais qui ont au moins le mérite d'exister.
C'est toujours mieux que de rester en face à face avec des professeurs d'économie au sourire crispé vous répétant : "jusqu'ici, tout va bien"... et de faire des cauchemars avec des robots
parquant des êtres humains sur des spatioports.
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Dans mon propre projet de jdr anticipation (essentiellement axe geopolitique et espionnage lowfi) ma reponse a la question a ete la suivante : de
1> la robotisation est procede continu par definition, c est a dire que statistiquement il semble que plus la mecanisation des procedes de production se developpe, plus les marches du capitalisme alternatifs (essentiellement luxe "fait main" et fairtrade a l'heure actuelle) se democratisent, il est donc probable que le seuil critique de robotisation de la production ne sera jamais atteint grace a une forme globalisee de "main invisible" (mais la au vu du titre de ton jeu, qui j'imagine fait reference a Hakim Bey, tes idees politiques doivent t'eloigner de ma theorie integrationiste lol)
2> Les trentes glorieuses ont amorcee un developement du secteur des services que les vingt dernieres annees semblent avoir reoriente vers le secteur de la creativite : la consomation est de plus en plus une consomation de concept, au lieu d une consomation de produits, d ou l importance de la question de la propriete intellectuelle. Ayant moi meme etudie le design je suis peut etre biaise mais des statistiques tendent a montrer un accroissement spectaculaire des cursus universitaires creatifs|design, si l economie de marche reussit a suivre il y aura tres probablement un boom de ce secteur, qui dans mon univers de jeu se traduit par un revival du marche du bespoke et des pieces uniques, du designer|maker et du developement de l outillage domestique (je pense a etsy la par exemple)
3> La robotisation n est pas un phenomene uniforme geographiquement : un bon exemple dans le monde actuel est que les chinois, dont la production robotisee devient de moins en moins abordable a leur clients habituels avec la monte du niveau de vie qui se trouve arriver en parallele, sous traitent une partie de la production de leur produits de consomation domestique a des pays d afrique de l est, definitevement moins developpes, et, j imagine, moins robotises. Evidemment tout cela est un peu bancale, car la globalisation va permettre de plus en plus frequemment d avoir des compagnies possedant des moyens de productions state of the art a l etranger dans des pays sous developpes, mais il va aussi falloir prendre en considerations la politique locale, et si l afrique de l est est fait avec ce qu elle a on pourrait facilement imaginer un gouvernement East African Federation suivant le model sud americain de developement social.