• Attiré par le NOIR

    Note de Narbeuh : "Noir bitume", une nouvelle rubrique sur Mondes en Chantier

    Bon allez, après avoir été harcelé pendant des mois par David pour ouvrir une nouvelle rubrique consacrée au genre "noir" sur Mondes en Chantier, je finis par céder. Jusqu'ici, je pouvais facilement répondre : "Arrête, il n'y a que 1D6-2 personnes plus Alain Delon que ça intéresse !" mais là, je vois que Hellywood, le futur jeu de Emmanuel Gharbi, don,t j'attends personnellement beaucoup, commence à devenir plus concret donc je dis : banco !. Et en attendant que je vous parle de Hellywood, voici déjà David qui vous entretient de son amour immodéré pour Johnny Halliday. Ou quelque chose dans ce genre là.


    force.jpg Les gars de la « Haute ».

     Dans les salons scintillant du Fouquet’s, on débouche le champagne, des femmes écervelées poussent des cris aigus et des « hommes d’affaires » coupés du monde se livrent des luttes de pouvoir impitoyables. Quelques arrondissements plus loin, les sous-fifres, que leurs consciences ne travaillent jamais, rôdent, marchandant la peur et la brutalité. Mais certains besogneux ont des âmes de grimpeurs. Un jour, le boss glissera et tombera (« toi un jour, je vais te trahir »), entraîné par l’argent sale et le sang, et l’un de ses loyaux hommes de main se faufilera par la porte de service de l’Elysée.

     

    « Chirac en prison ». Les Wampas.

    Dans le NOIR, hier comme aujourd’hui, les escrocs sont bien rasés, leurs chaussures bien cirées et leurs habits choisis avec soin. Ils ont appris qu’il n’y avait rien d’inconciliable entre leurs rackets et l’économie capitaliste. Aspirant à atteindre les sommets, ils ont fait leur chemin depuis les tréfonds obscurs des marges de la société jusqu’à la lumière de la « légitimité », sous les ors de la République. Le Boss du NOIR a le président de la banque centrale et le chef de la police dans sa poche. 

    Vous pensez que j’en rajoute ? Demandez donc à ceux qui sont de la famille. Il y a quelques semaines dans Libération on croyait lire le portrait d’un ancien Conseiller de Matignon, mais on était en plein film Noir, revu et corrigé par Q. Tarentino. Parmi les anecdotes du conseiller en question, parues dans ses deux livres (Chirac et dépendance, Chirac, mon ami de trente ans), il en est une qui raconte une après-midi à la Mairie de Paris digne des Tontons flingueurs. Je cite Libération : « Chirac, un dimanche à l’Hôtel de ville de Paris, en survêt bleu, ouvre son coffre-fort planqué dans les chiottes, tire la chasse d’eau en même temps, « prudence corrézienne » pour éviter que son visiteur ne devine la combinaison au bruit du cliquetis, en sort 500 000 francs. » Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres… 

    L’esprit du Noir est en train de nous sauter à la figure, il passe par tous les trous de la vieille toile usée jusqu’à la corde qui sert de toile de fond à notre société écranique.  

    Aucun film ne témoigne mieux de cette évolution de nos institutions démocratiques que Force of Evil, adaptation par Abraham Polonsky de Tucker’s People, roman journalistique parfaitement documenté d’Ira Wolfert. Ce film établit des parallèles frappant entre le crime organisé et le Big Business, dépeignant un pays sinistre, dont la puissance industrielle suppure une corruption institutionnalisée. Wolfert décrit le crime comme étant « la graisse qui fait tourner la machine ». 

    Au début du film, le personnage principal, Joe Morse (un avocat d’affaires qui compte des clients des deux côtés de la loi*) s’explique sur ses ambitions : « Je voulais réussir, faire mon chemin dans la société, et je pensais qu’il existait trois façons d’y parvenir : vous pouvez hériter d’une fortune, vous pouvez travailler dur toute votre vie pour la gagner, ou vous pouvez la voler. Moi je suis né pauvre et pressé. Je suis sorti de l’égout. Je suis sorti de la crasse et de la boue. Je m’en suis sorti tout seul. J’ai travaillé à six ans. Six ans ! Je travaillais pour des gangsters à neuf ans. Je trafiquais de l’alcool pour mon compte à quatorze. Est-ce que quelqu’un s’est occupé de moi ? Est-ce que quelqu’un s’est lamenté sur mon sort ? Qu’est-ce que tu veux que je fasse ? Que je m’inquiète pour le monde entier ? Qu’ils pourrissent tous. Ils n’ont aucune importance à mes yeux. Et t’as pas intérêt à broncher. T’as pas intérêt à me regarder de haut. Je ne suis pas une merde. Je suis devenu quelqu’un, tout seul, et j’en suis fier ! »

    Au pays du Noir, il y a des Gentils et des Méchants
     
    Mais vous, vous n’avez rien fait ? Rien ? Ah bon, alors comme ça vous êtes innocents ? Les prisons sont pleines d’innocents, s’en est touchant. C’est ça le Noir : ici votre innocence ne compte pas, ici la justice est vraiment aveugle, mais pas par impartialité ! Soit Dieu lui a crevé les yeux, soit elle gagne plus de fric à regarder ailleurs. 

    Ici c’est toujours le type lambda qui déguste. Des innocents qui essayent juste de joindre les deux bouts : chômeurs, précaires, intermittents, travailleurs sans papiers. Des citoyens aux existences sans intérêt, qui n’ont pas de relations et ne sauraient de toute façon acheter personne. Vous ne verrez jamais de conseiller municipaux, de capitaines d’industries, de patrons de presse ou de riches dames du monde la gueule dans le caniveau. Les corrompus avides de pouvoir n’attendent pas que le destin leur joue des tours. Ils prennent les choses en main et rendent les coups en permanence. Et puisque « l’élite » se soucie de moins en moins des aléas de la fortune, le spectre du destin, jadis omnipotent (ancien garant de l’ordre civil, qui surveillait les idées les plus noires des hommes), commence à se montrer encore plus mauvais. Il s’en prend donc, lui aussi, aux plus petits.

     

    goodnightandgoodluck2005-.jpg Vous aimeriez que rien de tout cela ne se soit jamais produit, vous voudriez pouvoir changer le sort des urnes ? Mais voilà : « rien ne va plus, les jeux sont faits ! » Vous ne pouvez pas contrôler la façon dont le monde tourne, mais seulement comment vous choisissez d’y vivre. 

    Pour vous aider à franchir le pas rôlistique, Mondes en Chantier va créer une rubrique pour les durs de durs dans votre genre, « Hard-boiled », la page française des joueurs de Noir. Vous y trouverez dans un premier temps une bio et filmographie, une fiche de perso en français, des aides de jeu… Affaire à suivre !  

    Mais allez, c’est assez pour aujourd’hui, alors « Good evening, good night, and good luck ».  

    *: tout parallèle spontané avec un homme politique nouvellement élu relève de votre entière responsabilité.

     
     
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