• Ennui et divertissement

    « Je dirais donc qu’il faut distinguer dans tout sentiment une évolution vers la détermination et une évolution vers l’indétermination. [...]. Ainsi au sentiment déterminé correspond un comportement déterminé à l’égard de quelque chose, et au sentiment indéterminé un comportement général à l’égard de l’ensemble des choses ; l’un nous engage dans les événements, l’autre se contente de nous y faire assister derrière une vitre de couleur. »

    Robert Musil, 'L'homme sans qualités', Seuil 1982, tome 2, p.723.

    Samedi dernier à Angers, de 14h à 18h30 sous un beau soleil de fin d’été, c’était la (déjà) neuvième édition du Festival de jeux (organisée par l’association Au Tour du Jeu ! et les magasins La Luciole, Sortilèges, avec l’aide de la Ludothèque Angevine, de celle d’Avrillé de l’association Mémory, de Les Arts Ludiques, des Conjurés du Temporel, des Boîtes à Jeux, de Spirit Lan et même du Bridge Club du Roy René, alors t’as qu’à voir !), une animation fort sympathique et décontractée dans quelques rues du centre ville qui proposait aux passants de venir partager un temps de jeu et découvrir des jeux sur le voyage, des jeux pour les enfants (Zaza dégomme toutes les quilles plus les chiens qui s’approchent trop), des jeux de construction (j’ai vu une pile de Kapla de 3m de haut), des jeux du monde entier, des jeux d’adresse et de rapidité, de négociation, de bluff, de réflexion, des casse tête, des… Enfin bref, vraiment pour tous les goûts ! Pour tous les goûts ? Non, pas vraiment en fait. Au goût des enfants (jusqu’à la fin de l’école primaire) et des mamans ou des grands parents qui les accompagnaient ça oui, au goût des bénévoles de tout poil qui animaient les stands bien évidemment (chapeau bas pour la démo de WHB en plein air), et même au goût de quelques parias allumés qui s’intéressent au monde de l’imaginaire, aux jeux de rôles ou de société, aux p’tits bonhommes… 

    Mais au goût du Grand Public, alors ça vraiment pas. Il faisait très beau comme je viens de le dire, c’était un samedi après-midi en période scolaire dans un secteur très commerçant et qui plus est une animation musicale qu’on peut si on veut appeler un concert gratuit faisait entendre ses BOH BOH BOh BOH !!!! (Ouais ouais !) Han Han, Mérciiiiiiii Angers !!! non loin de là. C’était étonnant de s’abstraire quelques minutes du jeu pour voir un peu l’effet produit sur les passants. Pour le mieux une franche indifférence mais aussi du mépris voire de l’hostilité.

    Attendez une seconde, mais qui sont tous ces gens ? Des zombis ! Il en sort de partout, des putains de zombis qui s’appellent tous Kévin (http://desencyclopedie.wikia.com/wiki/Kevin) et que ne renieraient ni J. Carpenter ni M. Jackson. Entre 10 ou 11 ans et jusqu’à 35 40 ans, c’est le secteur porteur des consommateurs de fun et de mode, de technologie et de loisirs. Les adolescents et les adulescents qui sortent claquer du fric chaque samedi après-midi la face visible d’une jeunesse qui s’ennuie sur un mode mortifère, radicalement différent de toutes les générations précédentes.

    Je vais dire quelque chose de terrible, de politiquement incorrect, d’éminemment élitiste : le contenu intellectuel de nos loisirs est d’une nature telle qu’il se situe souvent à un niveau trop élevé pour eux. Placez-les devant un jeu de société à l’ancienne, autour d’une table de JDRs ou tentez de leur faire lire ne serait-ce qu’un petit sourcebook et vous verrez monter en eux l’indignation de cette injustice absurde d’être obligé de venir perdre péniblement son temps avec vous alors que la WII les attend à la maison. Il ne leur viendrait jamais à l’idée de faire un tour dans une convention ou un club, mais lorsque cela se passe à l’impromptu, dans la rue, comme c’était le cas ce week-end, ils restent polis, comme si leur bon cœur et leur grandeur d’âme leur interdisaient de nous railler, comme si nous avions la permission de continuer à occuper l’espace public converti à la consommation privée en vertu de leur bonne grâce. Allez donc voir là : http://clem.mygoodness.fr/developpement-web/web-20-kevin-ma-tuer-7.html

    Et dire que quand j’étais jeune c’étaient les rôlistes les « NOLIFE », alors qu’à l’évidence nous sommes l’espoir de l’Humanité !
    « Presse rôliste d'hier (avant-hier ?) et d'aujourd'huiC'est sympa d'écrire des bouquins pour moi, les gars... »

  • Commentaires

    1
    Samedi 4 Octobre 2008 à 16:16
    Un peu noir ce billet mais véridique au possible.
    Il y a aussi une histoire de génération et ça ne va pas en s'arrangeant, malheureusement.
    2
    Dimanche 5 Octobre 2008 à 14:44
    Noir c'est noir... Ca doit être parce que je planche actuellement sur un article comparant les mérites de Noir RPG et de Hellywood, alors forcément ça influence un peu !
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