• Exclu : le rapport Attali pour 2100 !

    attali_cover.jpg Sous ce titre racoleur, vous allez trouver, cher lecteur, la suite de mes aventures dans les méandres de la documentation de prospective sur les décennies futures dans le cadre du projet TAZ (jeu de rôles d'anticipation à prétention "réaliste"). Les magazines et les gentils docus en images de synthèse à la TV, ça suffit. A nous les gros pavés qui font mal à la tête. Allez, hop, lecteur, comme moi, enfile ta chemise à col Mao et partons à la découverte du livre de Jacques Attali, "Une brève histoire de l'avenir".

    Ouah, l'autre, l'escroc, héé. Voici la première réaction que le lecteur à l'esprit simple aura en feuilletant ce gros pavé du très prolifique auteur (depuis ce livre, sorti en Octobre 2006, le dangereux récidiviste a commis une bio de Gandhi, un essai sur les relations amoureuses et le fameux rapport sur la croissance... gné ? Bon, OK, je retourne à mes notes manuscrites sur Terra Incognita...). En effet, la première partie, environ un tiers du total, est en fait une histoire, pas si brève, du passé. Plus exactement, il s'agit d'un exercice de rétrospective, un peu artificiel (Attali pioche dans le passé uniquement ce qui va lui resservir pour sa démonstration), de l'ensemble de l'histoire des civilisations humaines de façon à en faire émerger de grandes permanences et, surtout, des tendances sur le très long terme (Fernand Braudel, es-tu là ?). Cela nous éloigne de notre dessein de pur geek rôliste (du background, du background !) mais c'est bien agréable à lire et indispensable pour suivre l'auteur dans la suite de l'ouvrage.

    La partie suivante, heureusement assez brève, est la moins intéressante : elle illustre la méthode de l'ouvrage en montrant comment la situation actuelle du Monde est la résultante des tendances mises en avant dans la partie précédente. Ainsi, la montée très progressive des aspirations individualistes, par exemple. Une fois la démonstration admise, on se retrouve avec un panorama rébarbatif et déprimant (autant vous le dire tout de suite, Jacques n'est pas très optimiste pour la suite...) des malheurs du Monde contemporain.

    Avec la (ou les ?) 3ème partie, on rentre enfin dans le vif du sujet : le Monde du 21ème siècle tel que la méthode Attali se propose de l'imaginer. Pour simplifier à l'extrême, il s'agit donc de prolonger dans le temps les tendances du long terme dégagées précédemment et de déduire assez logiquement ce qu'elles doivent immanquablement donner dans les prochaines décennies. Pour tout dire, cette démarche est assez inhabituelle dans les ouvrages de prospective que je connais. En général, les auteurs s'intéressent plutôt aux progrès technologiques probables et brodent autour en imaginant les répercussion qu'ils pourraient avoir sur la société.

    Rien de tout cela dans l'ouvrage d'Attali. C'est à la fois sa grande force et, dans une moindre mesure, la source de quelques déceptions. Le point vraiment intéressant est donc qu'on échappe pour une fois aux sempiternels couplets sur l'énergie solaire, la voiture électrique et compagnie. Tant mieux. Qui imaginait sérieusement l'émergence d'Internet dans les années 1980 ? A part les romanciers Cyberpunk, peu de monde. Pour l'anecdote, je connais même un livre de "prospective" sur tout le millénaire de 2000 à 3000 (carrément...) sorti en 1987 qui n'avait pas réussi à prédire... la chute de l'URSS (1991) ! Arf, mieux vaut donc s'appuyer sur des tendances longues incontestables que sur des épiphénomènes (sur le long terme, hein ?... la chute de l'URSS, sur le coup, ce n'est pas rien quand même !) impossibles à prévoir.

    Attali dresse donc un panorama des prochaines décennies à la fois très original et très convaincant (hélas...). Le règne sans partage des assureurs privés, l'autosurveillance, la marchandisation du temps... sont quelques idées qui font froid dans le dos tout en apparaissant, sous la plume de l'auteur, très réalistes. Ce point fort se dillue toutefois un peu au fil de l'ouvrage, au fur et à mesure, en fait, que l'on s'éloigne de 2008 et qu'on se rapproche de 2100. Ne prenant jamais le risque (certainement par souci de rigueur intellectuelle) d'imaginer les formes exactes de la technologie du future ou des organisations politiques qui succéderont à celles d'aujourd'hui, le discours devient un peu trop général pour rester passionnant. Bien sûr, si on adhère à la méthode, les fameuses tendances sur le long terme restent valables mais on n'arrive plus à imaginer quelles formes, exactement, elles revêtiront.

    Le dernier petit (heureusement !!) chapitre consacrée aux réformes dont la France a besoin selon Jacques Attali tombe comme un cheveu sur la soupe. Certes, on était alors en pleine campagne présidentielle. Certes, grâce à ce "teaser", Jacques a obtenu un super job du nouveau président mais, honnêtement, on s'en fout et ça n'a rien à faire dans cet ouvrage. Faute de goût.

    A titre personnel, j'adhère vraiment bien à la méthode de prospective Attali et je ferai miennes, à coup sûr, une bonne partie des grandes évolutions imaginées par l'auteur. Mmmmh, vais aller me racheter des chemises à col Mao, moi.
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