• Malédiction putride !

    (aka Le jour où j'ai sauvé le JdR - le grand Final Apocalyptique)

     

     

    Nous avons retrouvé notre conférencier en fuite exactement à l'endroit et à l'heure qu'il avait annoncés. Il s'agitait beaucoup, parlait fort, entouré par plusieurs gars en T-shirts noirs siglés GREAR (Gang de Rôlistes Extraordinaires Armés et Révolutionnaires) à l'air patibulaire qui lui assuraient un périmètre de sécurité. Il y avait aussi Willy qui portait le même T-shirt mais a priori pas d'oreillette. En revanche ce dernier actionnait les mains à applaudir d'une casquette Goofy en tirant frénétiquement sur un cordon passant sous son menton. Il semblait prendre très au sérieux les propos du conférencier en fuite...

     

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    Reste cool, sac à merde !

     

    Le Président in partibus de la FFJdR semblait possédé, les yeux fiévreux (vraisemblablement la fièvre du jeu), il parlait vite. "La journée d'hier a été intéressante, mais aujourd'hui, les choses ont pris une mauvaise tournure. Des rumeurs circulent comme quoi il y aurait eu un incendie et une émeute à la fin de la conférence hier soir. Des voyous post-adolescents ont perdu les pédales et mis le feu à mon vestiaire, quelques instants seulement après que Stéphane et Julien ait été rapatriés en limousine sur Paris. L'événement a été un énorme succès, m'a-t-on dit, mais beaucoup de gens en ont gardé des cicatrices et de drôles de traces..." Il prenait à témoin les vétérans qui l'entouraient : "Regardez ces hommes disait-il, eux ce sont des vrais durs, ils se sont bien battus, la Nation a cru en eux, mais voyez ce que ce milieu a fait d'eux : des loques humaines ! Il n'y en a pas un qui n'ait pas laissé une partie de lui-même sur le théâtre des opérations rôlistiques (certains même des parties intimes), pas un qui n'ait eu le droit à son Backstab, pas un qui n'ait fini hagard, un matin, au bord du caniveau ! Mes enfants, mes enfants, lorsque tout sera accompli, vous resterez éternels dans la mémoire des joueurs !"

         

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    Pour l'honneur des rôlistes, une dernière bordée !

     

    Garçons ! Haranguait-il, clochards magnifiques au dernier stade de la déliquescence qui comme les éléphants vous rassemblez pour une dernière charge avant de mourir, ce qui vous manque clairement c'est un chef pour vous guider ! Si vous en avez assez de croupir dans la misère, suivez-moi ! Suivez-moi et, dans peu de temps, vous ne serez plus vêtus de ces shorts informes et de ces tee-shirts de geeks mâles-odorants, mais de pantalons de flanelle et de chemises de soie, de costards Armani et de cravates Kenzo. Je passerai à votre cou des chaînes en or, et nous ripaillerons ensemble des mets les plus délicats, au coeur même des meilleurs restaurants. Mais pour cela il nous faudra accepter de tout perdre, de tout détruire et de tout reconstruire. La fin d'une époque, en somme".

     

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    C'est la fin d'une époque : on va tous crever

     

    "Oui, mon message c'est l'apocalypse, la fin du JdR en bandes organisées comme on a pu le connaître. 5 mecs barbus et un Meujeu autour d'une table, c'est terminato les potos ! Désormais, on ne veut plus communiquer « sur commande » dans des cadres rituels et imposés, on veut parler quand on veut, comme on veut, au moment où on en éprouve le désir, on veut le pouvoir. Et du coup la figure tutélaire du Parain Meujeu est progressivement en passe d'être gommée du paysage rôlistique : les pieds coulés dans le béton et hop, bain de minuit dans le port... C'est le désespoir et la ruine ; oh non pas la ruine de la sociabilité, mais l'avènement d'un temps nouveau, la génération spontanée d'un espace interhumain annexé par les désirs d’indépendance. Nous ne jouerons plus jamais de la même façon : poussant comme un chardon sur les ruines de nos souvenirs notre relationnel ludique se reconstituera sur de nouvelles bases conformes aux aspirations individualistes. Ce qui séduit  le néophyte désormais c’est d’entrer en relation tout en restant libre d’échanger rapidement et sans cérémonial avec d'autres inconnus autour de la table, de multiplier et renouveler fréquemment les expériences ludiques plutôt que de battre la Campagne, peut-être même de jouer par technologie interposée. J'vais vous dire le fond de ma pensée les potos : le JdR analogique a un pied dans la tombe..."

     

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    Jusqu'ici ça va...

     

    "Ca va péter, la fracture est de plus en plus large au sein de notre communauté et le déficit de la communication intersubjective nous asphyxie aussi sûrement que l'eau noirâtre du port ou les flatulences du Panda : un peu partout, les râlistes se plaignent de pas être compris ou écoutés, de ne pas pouvoir s’exprimer. Leucémisation des relations sociales, difficulté à se comprendre, sentiment que les gens ne parlent que d’eux-mêmes et ne s’écoutent pas : les Pro et même les Ampro, ces supplétifs indigènes, s'arrachent les cheveux. C'est l'impasse relationnelle, la définitive voie sans issue, une crise communicationnelle sans pareille. L’échange « formel » stéréotypé, conventionnel, est de moins en moins satisfaisant, on veut du roleplay total, une communication libre, sincère, personnelle, on veut en même temps du renouvellement dans les expériences de jeu. Allez, regardez-vous, voyez où vous en êtes. Est-ce que vous trouvez ça normal ? car enfin, comment se fait-il que nous éprouvions des difficultés quasi insurmontables pour simplement nous retrouver autour d'une table pour une bonne petite partie de JdR by the book ? Nous sommes malades. Non, nous ne souffrons pas seulement du rythme et de l’organisation de la vie moderne, nous sommes affligés de notre appétit insatiable d’accomplissement privé, de communication, d’exigence sans fin que nous avons vis-à-vis des produits et des sujets. Alors sommes-nous maudits ? Tout n'est peut-être pas perdu, mais il ne nous reste que peu de temps, aussi écoutez-moi, compagnons d'infortune..." 

     

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    Rien ne semblait pouvoir tarir le flux de la pythie rôliste. Il nous aurait sans aucun doute, d'un moment à l'autre, livré la quintessence de cette magistrale vision, mais soudain il y eu comme de l'électricité dans l'air. Quelque chose était en train de se passer. Quelque chose arrivait. L'un des T-shirts noirs, soudain tendu, lui toucha l'épaule en déclarant suffisamment fort pour que je parvienne à l'entendre :

    - " Monsieur, on nous signale l'arrivée sur le parking de l'équipe des Spaces Cowboys. Il faut partir maintenant".

     

    FIN ?

    « Pas la crise pour tout le monde !Un planning de rêve ! »

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