• La presse rôliste bouge encore. Casus Belli s'pprête à re-re-re-naître de ses cendres. JDR Mag prépare, si j'ai bien compris, des hors-série à tire-larigot. Et bien sûr, last mais pas du tout least, Di6dent peaufine dans l'ombre son #4 à paraître en Janvier comme prévu (et oui, comme d'habitude : comme prévu, les gars ^^).

     

    Ceci dit, dans la presse rôliste, il y a un kill ratio ; on a le droit à un taux de perte assez important. Qui se souvient de Avalon ? Quest ? Role Mag' ? DXP ? Et j'en passe des dizaines d'autres. Au rang des plus purs héros de la nation rôliste tombés au champ d'honneur, on compte aussi les Carnets de l'Assemblée. Constitué d'une partie des futurs Di6dents, la mag'  avait bien des qualités mais aussi une organisation à mon sens défectueuse qui finit par avoir sa peau.

     

    Les MeCs ont un peu participé à cette aventure en livrant quelques articles et scénarios. Du coup, bien dans l'esprit d'un blog, nous allons petit à petit archiver ce matos sur Mondes en Chantier. Dans cette série de CdA Reload, on débute aujourd'hui avec un panorama consacré à Guildes 1, un des jeux qui avait en son temps bien torpillé mon compte en banque et encombré mes étagères.

     

    Ci-contre, vous trouverez le texte brut de l'article, lisible donc en ligne. En cliquant sur l'image, vous pourrez aussi accéder à la version joliment mise en valeur par le talentueux Julien de Jaeger (qui ??).

     

    A très bientôt pour la suite du CdA Reload.

     

     

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    Le jeu qui fait wahou

     Le premier jour où j’ai entendu parler du jeu de rôles Guildes, c’était en feuilletant un numéro de Casus Belli (je parle de Old Casus là… oui, je sais : je suis vieux) qui en présentait tout à la fois la publicité et la tête d’affiche. Et là : wahou. C’est en effet ma réaction en lisant ce foutu pitch : Guildes est un jeu de rôles proposant d’incarner des personnages issus d’un monde médiéval-fantastique assez conventionnel mais confrontés à la découverte subite d’un vaste et mystérieux continent au-delà des mers connues. Réunis au sein de guildes, ces personnages se lancent à la découverte de ce continent pour, selon leurs choix, l’explorer, le cartographier, en expliquer les origines ou même… pour le conquérir !

     

    Bref, Guildes ou comment réussir à renouveler le genre medfan rebattu de chez rebattu en 3 idées simples :

    1. je prends une base d’univers simple et classique où chacun pourra retrouver ses repères : des peuples évoquant de fameuses civilisations terrestres (ex : Gehemedals = gros vikings, Venn’dys = vénitiens du quattrocento…), de la magie mais pas trop quand même (il faut laisser au Continent tout son mystère)…

    2. de l’autre côté, je prends des images fortes qui ont un écho puissant dans l’imaginaire de chacun d’entre nous mais qui sont étonnamment assez peu exploitées en jeu de rôles jusqu’à présent : Christophe Colomb et Vasco de Gama, les Conquistadors, les mystérieuses cités d’or, Sinbad le marin, Stanley et Livingstone…

    3. je mélange le tout, je confie à une pléiade de bons auteurs francophones, je mets des moyens pour que le jeu soit beau et possède de nombreux suppléments…

     

    … et hop, vous avez un des plus gros projets de l’édition du jeu de rôles français des années 1990 et même, sans doute, de tous les temps. Alors, 11 ans plus tard, après 2 éditions et pas moins de 21 suppléments, quel regard peut-on porter sur cette aventure éditoriale ? Le jeu fait-il toujours wahou ou bien a-t-il fini par faire pschiiiiiit ? Petit panorama de la gamme.

    La dream team

     Rien qu‘en regardant mes rayonnages où je range avec amour ma collection de jeux de rôles, un premier bilan s’impose : Guildes en impose. Sa vingtaine de livres, petits et gros, de divers formats, certains en boîte et d’autres non… occupent une sacrée place et prouvent déjà la place qu’a pris ce jeu dans le paysage rôliste français. Mais ne croyez pas que la valeur de ce jeu ne se mesure qu’au poids, loin de là ! Indiscutablement, les livres de Guildes qui figurent dans ma bibliothèque sont parmi les plus beaux. Une mise en page sobre et de bon goût (qui a influencé par la suite d’autres jeux comme Pavillon Noir ou Trinités par exemple), de nombreux illustrateurs de talents (Barthélemy, Delval, Swal, Dutrait… se seront succédés aux pinceaux tout au long de l’aventure), des boîtes (pour les règles de base de Guildes 1 et pour le début de la campagne) - ce qui est devenu bien rare - , des cartes et des plans en veux-tu, en voilà… Bref : du bon matos qui donne envie de jouer. Heureusement, le texte est à l’avenant. Comme je le laissais entendre plus haut, Gulildes n’est pas le jeu d’un auteur comme l’éditeur, Multisim, en avait auparavant fait l’expérience – plus ou moins heureuse – avec Rêve de Dragon et Chimères. C’est une œuvre collective dans laquelle Frédéric Weil, Tristan Lhomme, Mathieu Gaborit, Philippe Rat, Mehdi Sahmi, Léonidas Vesperini, Jean-Baptiste Lullien, Raphaël Bardas… et bien d’autres encore ont prêté leur plume et leur imagination. Même si, on le verra, cette création collective n’est pas sans dégâts collatéraux, grâce à tous ces talents, Guildes est un jeu qui foisonne d’idées et qui, le plus souvent, est fort agréablement écrit.

     

    Très bien, très bien, monsieur veut nous en mettre plein la vue mais le jeu, il donne quoi au final ?

     

    C’est vrai : Guildes n’est pas juste un gros blockbuster ludique qui met le paquet sur la forme et rien dans le fond. Ce dernier ne déçoit pas l’impression laissée à la lecture du pitch. Le mélange medfan et grandes découvertes prend vraiment bien à l’usage et mille idées d’aventures très diverses (exploration, survie, enquête, négociation…) surgissent au fil des pages de chaque livre de la gamme. Soucieux de laisser un maximum de latitude aux meneurs et aux joueurs, la fine équipe de Multisim a saupoudré son jeu d’autres pistes et d’autres ambiances plus inattendues : une cosmogonie à la Chtulhu (façon Grands Anciens à découvrir au fil des secrets du Continent), des intrigues entre guildes à la Cyberpunk, des découvertes étranges et oniriques à la Rêve de Dragon dans les écrins du Continent… Bref, il y en a pour tous les goûts. Jusqu’à l’indigestion ? 

    L’auberge espagnole

     Alors, résumons-nous. Qu’avons-nous à notre droite dans ce beau et fier groupe d’aventuriers : un gros guerrier Gehemdal tout en poils et en hache à deux mains, un fin lettré Venn’dys spécialisé dans la conception de machines expérimentales, un explorateur Ulmèque lointain cousin de Tao (des « mystérieuses cités d’or » pour ceux qui n’ont pas toute ma belle et fine culture….), un nécromancien putride du peuple Ashragor, une diseuse de bonne aventure du peuple errant Kheyza et, last but not least, un marchand Felsin biclassé quelque part entre Sinbad le marin et Jackie Chan… et beh, c’est pas gagné pour former un groupe cohérent, hein ? Si on y ajoute, à ma gauche, que les aventures jouables avec Guildes peuvent être de subtiles enquêtes dans les arcanes du pouvoir et les intrigues millénaires des Rivages (c’est-à-dire l’ancien monde), des treks d’exploration vers le centre du Continent, des négociations serrées avec une guilde concurrente, des études d’anthropologie avec un nouveau peuple découvert sur le Continent, la quête des origines (qui donne son sous-titre à Guildes 1) c’est-à-dire des secrets de chaque peuple des Rivages et du Continent tout entier… sans oublier, bien sûr, du bon baffage de monstre au milieu d’une forêt continentale hostile ! Tout cela donne au meneur de Guildes une petite idée de l’infini. L’infini des possibilités avec ce jeu merveilleux, certes, mais aussi l’infini des difficultés qu’il va avoir à cerner l’esprit et les limites du jeu au fil des suppléments de la gamme.

     

    En fait, dès l’ouverture de la boîte de base de Guildes 1, on est assailli par cette impression de fouillis aussi dense qu’une forêt primale du Continent. Après analyse, cette impression peut être réduite à 3 explications rationnelles :

    • un système de jeu bancal et visiblement insuffisamment testé ; passons sur le fait que le plus matheux de mes joueurs aura mis exactement une demi-heure avant de constater et de me prouver par a+b que la table de résolution unique au centre du système de jeu est buggée et donc déséquilibrée… on peut toujours s’en tirer par un bon vieux : « ta gueule, c’est Continental ! ». Après tout, un tel jeu n’a pas à être affligé d’un système simulationniste. Là où, en temps que meneur, je fus vraiment chagriné, c’est par l’inadéquation de ce système (très simple et qui se fait facilement oublié) avec les thèmes du jeu : par exemple, les règles d’encombrement, superflues et même inutilement pénibles dans bien des jeux (« alors, je porte 18,4 kg d’équipement mais je viens de tirer une flèche donc je passe à 18,35 kg… »), deviennent vite indispensables en pleine expédition se taillant sa route vers le centre du Continent au moment où les porteurs indigènes succombent les uns après les autres aux bêtes fauves. Pourtant, les règles écartent cela d’un revers de main méprisant laissant chaque meneur se dépatouiller avec deux bouts de ficelle qui ne forment pas un système fiable. Dans le même registre et très loin d’être exhaustif : pas de règles ni de statistiques pour les animaux et plantes que les personnages sont susceptibles de découvrir sur le Continent, pas de liste de prix des denrées à commercer par leur guilde, pas de règles pour gérer la faim ou la soif…

    • le syndrome Multisim du too much a encore frappé ! Déjà sévèrement à l’œuvre dans la gamme Nephilim qu’il a fini par rendre presque injouable, cette volonté du « toujours plus » menace Guildes dès ses livrets de base : déjà, 6 peuples des Rivages, expédiés en une page chacun, c’est chaud pour se faire une idée. Si on ajoute que chacun de ces peuples a sa propre magie (donc, oui : 6 magies différentes… et on a pas encore mis le pied sur le Continent !), on voit déjà à quel point les informations vont être diluées à l’extrême (très peu de sorts pour chaque magie, par exemple). La même volonté de « faire du chiffre » est illustrée jusqu’au ridicule par la création de personnages. L’argumentaire de vente déclare avec fierté : « plus de 90 archétypes jouables » ! Ouais. Enfin, il faut savoir que chaque archétype se limite à une courte liste de compétences, que du coup on peut en coller 10 par page et que pour remplir ces pages on a le droit à des archétypes de feu comme « Maroquinier » ou encore « Colporteur ». Super. Tout cela est tellement bien fichu que les auteurs, pressés de faire grimper la liste, ne trouve même pas le temps ou la place de nous expliquer ce que sont exactement les rares archétypes originaux : un « homme-griffe » ? un « sage des noms sacrés » ? Comme pour le système, il vous reste à improviser…

    • la diversité des auteurs. On sentait la future critique poindre sous ma plume lorsque je parlais de « dream team » et, de fait, la lecture du livret sur le Continent laisse cette impression mitigée : il y a une foutue bonne idée par paragraphe mais on se demande bien comment on va faire pour faire tenir tout ça ensemble dans le même univers et dans les mêmes scénarios ! Franchement, la cohérence de l’univers, joliment nommé Cosme, n’apparaît pas évidente à la lecture de cette boîte de base, assez décevante il faut bien le dire. Peut-être qu’au fil de la gamme… ?

    Les aventuriers de la ligne éditoriale perdue

     On l’a constaté : créer un univers imaginaire cohérent avec plusieurs imaginations différentes, ce n’est pas facile. Mais quand, en plus, ces imaginations se succèdent les unes aux autres, ça devient pire ! En effet, sans se transformer en historien-archéologue du jeu de rôles, Guildes semble avoir eu trois vies éditoriales successives, incarnées par autant d’équipes différentes :

    1. l’équipe originelle recrutée dans le saint des saints de Multisim (Weil, Gaborit…) : ce sont eux qui ont fait le brainstorming aboutissant à la création du jeu et qui ont conçu la boîte de base.

    2. très vite, le destin du jeu a été confié à une autre équipe, pour l’essentiel recrutée dans les couloirs de Casus Belli autour de Lhomme, Rat, Sahmi… Pour eux, c’est comme un gros cadeau de Noël : allez y les gars, faîtes-vous plaisir, on vous confie le bousin. Dans une interview, Tristan Lhomme confie alors vouloir réaliser grâce à ce jeu certains de ces vieux rêves de rôlistes : des enjeux cosmiques aussi bien que dans Chtulhu, un atlas aussi beau que pour Glorantha, une campagne aussi haletante que pour Warhammer… On en reparlera.

    3. à la fin de la vie de Guildes 1, et pour des raisons qui m’échappent, cette équipe est remplacée par une bande de p’tits djeunes recrutés parmi les passionnés qui gravitent autour des différents jeux Multisim et auxquels la boîte a déjà décidé de confier la réédition du jeu… dans le but avoué de lui redonner son esprit premier !

     

    Comme on s’en doute, tout cela ne favorise pas grandement la cohérence de la gamme à venir. Jugeons sur pièces :

     

    - les amuse-bouches : comme il se doit, la gamme s’ouvre avec un écran (un peu flashy à mon goût mais bon…) accompagné d’un livret contenant une grosse rasade d’errata et autres précisions de règles (mmh, 7 pages quand même…) ainsi, bien sûr, qu’un scénario. Très vite, sort aussi « Les Carnets pourpres », un livret tout léger contenant 4 scénarios de 4 auteurs différents. Sans préjuger de la qualité de chacun de ces scénarios, je me souviens très bien mon découragement lorsque je refermais ce livret, passée la dernière page du dernier scénario : 4 auteurs, 4 ambiances différentes… mais bien incapable de cerner UNE identité au jeu que je découvrais alors.

     

    - les « Maisons » : en pleine vogue du Monde des Ténèbres et ses innombrables clan book qui se vendaient alors comme des petits pains à des joueurs avides de kitter à mort qui son vampire, qui son loup-garou, Multisim se lançait dans l’ambitieuse volonté de sortir carrément un épais livret (certes de petit format) sur chacun des 6 peuples des Rivages, c’est-à-dire sur les personnages que les joueurs peuvent incarner. L’intention est fort louable car, même si ces « Maisons » sont très stéréotypées, une seule page dans le livre de base, ça fait juste pour se faire une idée et incarner finement son personnage. Le premier livret à paraître fut celui consacré aux Venn’dys, les hybrides de Vénitiens du Quattrocento et d‘Espagnols du Siècle d’Or passionnés par le grand commerce et la technologie de pointe. Autant le dire tout de suite, ce petit supplément confié tout entier (aha, un éclair de lucidité ?) à la plume de Tristan Lhomme est un de mes préférés de toute ma ludothèque. Bon, bien sûr, il y a à cela des raisons purement subjectives (j’adore Venise…) mais l’auteur réussit excellemment à synthétiser références historiques transparentes et pur imaginaire pour donner une vraie cohérence à ce peuple. De plus, le livret est tout entier orienté vers la pratique du jeu et PNJ utilisables, idées de scénarios, descriptions et plans de lieux d’aventure ou encore points de règles se succèdent de manière serrée sans céder au risque (bien réel dans ce genre de suppléments…) de bla-bla de remplissage. Si on ajoute que le tout est brillamment illustré par Rolland « RDD » Barthélémy, on a alors vraiment un must. On croit même rêver quand, relativement peu de temps après, la même équipe (ça se confirme…) nous livre un ouvrage du même type consacré cette fois aux Ashragors. Bon, l’idée d’un peuple tout entier composé de nécromants putrides m’ayant toujours laissé sceptique au plus haut point, le supplément m’emballe moins mais reste objectivement sur les mêmes niveaux de qualité. Alors, pas de critique ? Bah si quand même : limite hors-sujet. On arrive en effet après la publication de ces deux livrets à un étrange paradoxe : on commence à bien mieux connaître et par conséquent à bien mieux pouvoir mener des aventures sur les Rivages que sur le Continent ! Un choix éditorial vraiment étrange, d’autant qu’il y a en tout 6 Maisons et que, même en soutenant un rythme élevé de parution, un groupe de joueurs n’aura pas les renseignements nécessaires à la connaissance de tous les Rivages avant des années ! De fait, même si la parution des livrets (confiés à d’autres auteurs et illustrateurs) continue à raison d’un livret par an, lorsque l’aventure de Guildes 1 s’achève ni les Ulmèques, ni les Felsins n’ont encore eu le doit à leur supplément…

     

    - l’OVNI éditorial : aha, il nous a bien fait marrer à l’époque celui-là. Enfin, rire un peu jaune tout de même tant l’argent de poche ne poussait pas sur les arbres loomiques du Continent. Je veux bien sûr parler de « Le Loom », gros supplément tout entier consacré à la magie du Continent, le Loom donc. Tout d’abord, entendons-nous bien : c’est un excellent supplément. Très dense (il y a notamment ouatemille sorts décrits et souvent des bons), donnant enfin une image globale et cohérente des mystères du Continent, il présente également la très belle idée des phylums magiques qui conduisent un PJ magicien à se lancer dans une véritable quête de la connaissance magique au fil de sa découverte physique du Continent pouvant inspirer mille péripéties sur le Continent. Non, ce qui prête à rire, c’est que, sorti moins d’un an après, ce supplément annule et remplace TOUT ce qui concerne la magie dans les règles de base ! Sans rire. Et mon début de campagne avec deux PJs magiciens, j’en fais quoi ? Bah, on jette et on recommence tout si on veut pouvoir utiliser tout le beau matos neuf qu’on vient de découvrir au fil de ce gros supplément. Bref, ça se confirme grâce à ce terrible aveu éditorial : les règles de base n’avaient pas été correctement testées et harmonisées.

     

    - l’ Atlas : paru en deux volumes, cet atlas des contrées littorales du Continent est un ouvrage magnifique (enfin, surtout le premier grâce à ses cartes volantes en couleurs, le second volume n’a eu le droit qu’à des cartes noir et blanc…) et au texte très prenant. Un peu à la manière des livrets sur les Maisons, on serait alors tenté de dire : bien joué, les gars… si il n’y avait encore cette drôle d’impression de hors-sujet. Un atlas ? Vous voulez bien parler de ce truc avec des cartes et des descriptions ultra-précises des pays ? Quelle drôle d‘idée pour un Continent à explorer… Bien sûr, il est hors de question que cet ouvrage tombe entre les mains de vos joueurs mais même ce stratagème ne suffira pas à écarter l’impression qui domine : vous PJs arrivent trop tard. Après l’Histoire, en fait. Comme si Christophe Colomb débarquait avec le Guide du Routard Antilles-Caraïbes 1492 dans la poche. A cela, j’ajouterais que le supplément manque cruellement de données directement exploitables dans le jeu si on continue, malgré la ligne éditorial choisie, de le considérer comme un jeu « colonial » : caractéristiques des animaux et plantes rencontrées, opportunités commerciales, productions locales exploitables… sont absentes. Un beau livre à lire et à regarder mais pas vraiment un manuel de jeu de rôle à mon goût.

     

    - le mal-aimé, je suis le mal aimé (air connu) : le supplément, il est vrai un peu fourre-tout et au titre d’une rare originalité, « L’aventurier », a été à sa sortie éreinté par la critique. Que n’a-t-on alors pas entendu ? Incohérent, remplissage, Rolemaster du pauvre (en référence aux listes de caractéristiques de plantes)… Franchement, le seul défaut que je lui trouve est d’arriver bien tard alors qu’il contient, et c’est là tout à son honneur, bien des informations indispensables : formation des Guildiens à l’Académie, déroulement d’une traversée vers le Continent… et, enfin !, d’indispensables données techniques sur les plantes, les animaux et les marchandises commercialisables. Ah, c’est sûr, c’est moins littéraire que les Atlas mais c’est aussi drôlement plus utile pour mettre en scène une campagne. Ah, la belle transition que voilà !

     

    -  la campagne (donc) : couverte par pas moins de 3 gros suppléments (le 1er en boîte, c’est dire…), elle est composée des suppléments « Le Requiem des Ombres », « L’Aube des Prophètes Bleus » et « L’automne des Mages ». Oui, Multisim a eu un prix de gros sur les majuscules alors fallait pas gâcher. Trêve de plaisanterie, on parle là de la pierre angulaire de la gamme de Guildes 1. Menée par Tristan Lhomme et ses sbires, de véritables commandos vétérans du scénar de jeu de rôle donc, elle ne pouvait qu’être bonne : enlevée, pleine de rebondissements, mettant les personnages aux prises avec les plus grands secrets de l’univers du jeu, elle est aussi remarquablement décrite avec un luxe de détails et d’annexes qui justifie sa division en trois suppléments. A chaque épisode, nous avons le droit en effet à des informations vitales sur le jeu et son univers ; par exemple, le premier volet comporte la descritpion d’une contrée, des précisions sur la Scabarre (les pirates de Cosme) et des règles de combat naval et de masse. Cette fois-ci, tout s’explique : on est parti sur un malentendu. L’équipe éditoriale est partie dans l’idée de faire avant tout cette campagne et les autres suppléments (surtout les Atlas) sont conçus comme des aides de jeu pour celle-ci. Personnellement (et quelques autres fans de la 1ère heure), je pensais que le jeu exploiterait bien plus, dans sa gamme, le pitch de départ et donc les thématiques d’exploration, de colonisation... Cette campagne est une formidable suite d’aventures tournant autour du jeu des Puissances et de la révélation des secrets du jeu mais on ne peut pas dire qu’elle exploite vraiment ces thématiques originelles du jeu.

     

    - y’en a un peu plus, j’vous le mets ? : finissons en effet ce tour d’horizon des suppléments pour Guildes 1 par deux petits livrets collector. Tout d’abord, « La Halte rouge », scénario édité en partenariat avec le réseau de boutiques Le Temple du jeu et vendu, bien entendu, uniquement dans ces boutiques. Livret très léger (environ 20 pages) et contenant un scénario un peu psychédélique, il ne m’a pas laissé un souvenir impérissable et sa présence dans les rayonnages de ma ludothèque me rappelle simplement quel geek collectionneur j’étais alors… De même, je peux aussi frimer devant mes petits camarades en exhibant devant leurs petits yeux incrédules mais remplis d’une malsaine lueur d’envie l’unique numéro de « Terra Incognita », l’ambitieux prozine consacré à Guildes 1. Eh oui, un prozine rien que pour le jeu, couverture couleur et tout. Voilà bien là, mise à nu, toute l’ambition hélas démesurée du Multisim de la fin des années 1990. Surdimensionné pour un jeu qui ne souffre pas du manque de suppléments (5 rien que pour la première année d’existence du jeu…), le projet restera donc sans suite. Dommage car ce kaléidoscope d’aides de jeu et de scénarios courts était assez prometteur. Mais on était alors avant l’ère d’Internet-roi : aujourd’hui, le contenu de ce livret aurait sans doute été proposé en PDF gratuit sur le site de l’éditeur.

     

    Au bilan, Guildes 1 reste un must du medfan francophone. Franchement, si vous voulez un monde rempli de mystères, de peuples étranges, de divinités sournoises, foncez sur le Continent plutôt que dans la plupart des univers en carton-pâte estampillés D20. Par contre, pour retrouver le souffle de la découverte d’un continent inconnu, pour confronter le destin de votre personnage aux possibilités infinies d’un espace vierge, le jeu manque un peu sa cible à cause d’une ligne éditoriale pour le moins aléatoire. Heureusement, le jeu a bénéficié d’une seconde chance. Nous verrons une prochaine fois si Guildes Eldorado a réussi à relever ce défi.


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    En regardant mon programme TV en vue de ce soir, j'ai noté avec délectation la programmation de Arte. Comme à son habitude, la soirée du Samedi de la chaîne franco-allemande est consacrée à l'archéologie et/ou à l'Histoire des périodes anciennes (histoire de faire un break avec celle du IIIe Reich...) à travers documentaires et docu-fictions. 

     

    Or, ce soir, les deux docs sont consacrés aux années Terra Incognitesques. Mieux même ! Le 1er des deux sujets, mystérieusement intitulé L'île de Robinson et le trésor inca, semble un véritable pousse au crime pour le scénariste de TI qui sommeille (enfin, qui sommeille pas tellement en ce moment quand même ^^) en moi. Voilà le pitch fourni par la chaîne :

     

    En écrivant Robinson Crusoé, Daniel Defoe se fondait sur une aventure humaine bien réelle : celle du corsaire et mutin anglais Alexander Selkirk, que son capitaine débarqua en 1704 sur une île déserte appartenant à l'archipel Juan Fernández, perdue dans le Pacifique à 700 kilomètres au large du Chili. Rapatrié en 1709 en Angleterre, l'ermite forcé aurait narré son histoire à l'écrivain qui en fit un best-seller publié en 1719. En 1966, l'île, nommée Mas e Tierra, a été rebaptisée Robinson Crusoé. Récemment, une équipe scientifique allemande s'est mise en quête du campement de Selkirk sur l'île. De leur côté, un historien de la marine anglaise et un chasseur de trésor américain espéraient découvrir la cachette où auraient été entreposées d'extraordinaires quantités d'or, d'oeuvres d'art, de pierres précieuses et de bijoux en provenance des colonies espagnoles des Andes. La flotte chargée de les convoyer vers la péninsule ibérique aurait en effet sombré non loin de là en 1715. Ce naufrage ne manqua pas d'exciter la convoitise des Anglais, qui dépêchèrent sur les lieux en 1740 un certain lord Arson. C'est paradoxalement grâce au tsunami qui a ravagé l'île en février 2010 que plusieurs énigmes ont pu être levées, comme le rapporte ce passionnant documentaire d'investigation.

     

    Bon, je n'ai aucune idée de ce que cela peut valoir mais un pitch avec Robinson Crusoë, 1715, île, trésor et corsaire dedans, ça vous a comme un petit air de strike quand même. Hâte de voir ce que cela donne.

     

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    Ce qui ne gâche rien, c'est que le second doc est consacré, quant à lui, à 1715 - Combat dans la Baltique, c'est-à-dire à l'archéologie sous-marine liée aux batailles de la Grande Guerre du Nord. Bon, OK, c'est un peu moins sexy (il manque les cocotiers et les senteurs épicées) mais c'est une bonne occasion de compléter une information plus rare sur ce conflit du Pays d'Ici, comme on dit dans TI.

     

    Tant que j'y suis, j'en profite pour donner quelques news sur Terra Incognita : Voyages aux Pays de Nulle Part, la version pro du jeu, à sortir chez les XII Singes. En résumé : ça avance et ça bosse dur là-dessus. Nous avons pour ainsi dire achevé la version définitive du texte du livre 1 et je mets la dernière main aux textes (avant relectures et tout) des textes du livre 2. La publication aura lieu courant 2012. Je communiquerai une date un peu plus précise quand on sera plus sûr de nous (phénomène connu sous l'appellation "jurisprudence Bloodlust Metal" ^^).

     

    D'ici là, un conseil : regardez Arte !


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  • Mon dessin animé préféré lorsque j'étais petit à la fin des années '70, c'était Vik le Viking (on est nés la même année), et dans le même temps je me passionnais pour les aventures de Thorgal : pas étonnant que je sois si bon client lorsqu'il s'agit d'une façon ou d'une autre d'un truc de vikings dans les JdRs !  Et ça tombe bien,  en ce moment ils ont plutôt le vent en poupe : Yggdrasill, Asgard... A quand un Adventures Party "Saga" ? En attendant cette bonne idée, voici la suite de leur épopée sur le blog des Mondes en Chantier !

     

    Sagas et dynasties

    Tout est au zénith pour les Vikings. La même année, les Suédois – que les Russes appellent Varègues – reçoivent une requête des habitants de Novgorod, leur demandant de venir les gouverner, tout simplement ! Un chef viking, Rurik, se rend alors à Novgorod pour fonder, en 869, la principauté de Novgorod, qu’il étendra très vite jusqu’à Kiev et en Crimée.

    C’est ainsi que la dynastie Varègue de Rurik gouverna durant sept siècles la Russie, jusqu’à l’arrivée des Romanov, au XVIe siècle.

    Ils ne devaient pas rester inactifs très longtemps, essayant de s’emparer de Byzance, mais vainement. Le plus curieux reste que certains de ces Vikings atteindront Itic, sur la mer Caspienne, non loin de la région où les traditions légendaires ont fixé le berceau de leurs ancêtres lointains…

    Presque conjointement, un autre Viking, un Norvégien, Ingolfur Arnasson, vient s’établir en 874, en Islande, avec plusieurs familles norvégiennes. Un siècle plus tard, ils découvriront l’Amérique du Nord !

     

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    Corbeaux des batailles

    Le déferlement viking se poursuit partout. La mort de Charles le Chauve, en 877, marque la reprise de leur progression. Il n’est plus possible de les contenir aux frontières de la France : en 879, ils sont à Gand, et à Courtrai l’année suivante.

    Plus symboliquement encore, le chef viking Hastings, devenu vieux, le fameux conquérant de Bordeaux à Rome, n’acceptera la paix – très provisoire – qu’en devenant comte de Chartres et en se faisant baptiser. Ces conversions sont très souvent sujettes à caution. Les Vikings se font plusieurs fois baptiser, chaque fois qu’ils ont obtenu gain de cause sous forme de terre ou d’argent. D’ailleurs, à peine trois ans se sont-ils écoulés depuis la conversion d’Hastings que 700 drakkars et 40 000 vikings viennent assiéger Paris. Le roi Charles le Gros, qui campe à Montmartre, reprenant le flambeau à ses prédécesseurs, doit à son tour acheter leur départ. Il semble alors que les invasions dévastant le royaume carolingien en lui infligeant la misère, ne doivent jamais finir…

    La menace se précise encore au début du Xe siècle, avec le nouveau chef viking, Rollon. Celui-ci, exilé pense-t-on du Danemark, s’est réfugié dans l’île de Walcheren et convoite la Basse-Seine et ses grasses prairies. Il y parvient, s’empare d’Evreux, laissant ses bateaux sur la Seine, non loin de Jeufosse, près de la colline de Rolleboise, qui porte encore le nom du chef viking. Se dirigeant vers Chartres, les secours appelés menacent d’encercler Rollon, qui se replie. C’est alors que survient un événement considérable dans l’Histoire de l’Europe : la paix est signée entre le roi de France et les Vikings !

     

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    L’aïeul viking de Saint Louis

    En 911, trois personnages vont changer le destin du pays : Charles le Simple, Rollon et l’archevêque de Rouen, Witton.

    Rollon rencontrera Charles le Simple, à mi-chemin entre Paris et Rouen, à saint-Clair-sur-Epte pour la conclusion du traité portant ce nom : le chef viking reçoit les diocèses de Rouen et d’Evreux, tandis que les Normands – c’est ainsi qu’on les nommera désormais uniquement – conservent Bayeux et Saint-Lô. Devenu de ce fait seigneur féodal, Rollon se révélera un excellent administrateur, distribuant les terres, dotant les abbayes et les églises, secourant les plus pauvres et organisant le pays où règne enfin l’ordre. Rapidement, la Normandie devient un Etat prospère et la sécurité sur les routes est assurée, plus que partout ailleurs en France, à cette époque.

    L’empreinte scandinaves ne s’est d’ailleurs jamais effacée de Normandie, où elle subsiste encore dans la toponymie : Beuf / Demeure (Elbeuf) ; Tot / Village (Yvetot) ; Fleur / Flot (Harfleur) ; Berc / Rivière (Bolbec) ; Dale / Crique (Dieppedal) ; Bricq / Pont (Briquebec) ; Kerke / Eglise (Querqueville)…

    De la même manière, en Angleterre – où les Vikings importèrent cette institution du jury, promise à un bel avenir dans le monde entier – les jours de la semaine rappellent encore aujourd’hui les dieux vikings : Thursday, jour de Thor ; Wednesday, jour d’Odin.

    En France, comme les Danois, nous avons conservé la coutume de compter par vingt (nous disons par exemple quatre-vingt, et pas nonante).

    L’architecture gothique devait aussi être profondément marquée par le caractère nordique, de même que l’architecture ogivale doit énormément à nos anciens envahisseurs.

    Très vite, tandis que la fusion s’opère entre vainqueurs et vaincus, c’est seulement à Bayeux qu’on parle le scandinave.

     

     

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    Les racines et les branches

    Petit à petit, le calme se rétablit et à leur tour, les Normands partiront de leur nouveau pays pour entreprendre d’autres voyages, d’autres conquêtes, créer de nouveaux royaumes en Angleterre, en Sicile ; de même, ils participeront aux Croisades.

    Symboliquement, le fils de Rollon, Guillaume Longue Epée, épousera une fille du comte de Vermandois et sa sœur le comte de Poitou. C’est ainsi que, généalogiquement parlant, Rollon le Viking est le quatrième aïeul du roi Saint Louis ! Et de la même manière, la plupart des maisons royales d’Europe descendent de Rollon.

     

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    Quelle belle histoire ! La salle est désormais très calme et presque vide. Ceux qui restent pour passer la nuit se sont allongés près de la fausse à feu. Est-ce une larme de nostalgie qui, dans la l’obscurité, coule furtivement sur la joue grêlée du Scalde, l’homme de tellement de conquêtes ? Le voilà qui finit sa boisson amère et tiède comme ses souvenirs de jeunesse, puis se lève et s’en va, tout de même satisfait d’avoir pu chanter sa saga à Frykka.

     


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  • Oulah mais j'ai un retard phénoménal moi au niveau de mes ouvertures de boîtes/livres et même des compte-rendu de lectures qui s'en suivent. Ca, c'est typiquement la faute des indés avec leurs petits livrets tout maigrichons vendus à vil prix : du coup, on achète tout ce qu'on trouve, on lit ça vite fait et on oublie de le référencer dans ce bon vieux blog.

     

    Allez, hop, on commence à écluser le stock avec un demi-outtabox, demi-compte-rendu de A Dirty World, un jeu court et en anglais, dans la veine des films et romans Noir. Oui, c'est une des marottes des maîtres de céans.

     

    ADW utilise comme base de système une version pas mal épurée du One Roll Engine, le système assez génial (il faut bien le dire...) de Reign, notamment : http://mondesenchantier.over-blog.com/article-outtabox-reign-enchiridion-edition-71546242.html

     

    Ce système qui doit son nom au fait qu'un seul lancer d'une poignée de D10 vous donne une grande finesse de qualités de résultats ne convainct pas outre-mesure ici. En effet, comme je le disais plus haut, c'est une utilisation très light de l'ORE. Ce qu'on demande surtout à ce système dans ADW, c'est de nous dire "je gagne" ou "je perds". Il n'est pas fait d'usages réels des qualités et donc on aurait quasiment pu remplacer ça par un jet d'un D100 voire un pile ou face que ça n'aurait pas changé grand chose. Enfin, si : ça aurait pas mal simplifié. Pour être juste, on notera quand même la présence d'une annexe consacrée à la création d'intrigues Noir avec le jet d'une seule poignée de dés. Ouais, bon : assez anecdotique quand même.

     

    Le coeur de ADW est en fait constitué d'un système accolé à l'ORE mais qui est quasiment indépendant (il pourrait être adapté sans peine à un autre moteur de résolution). Celui-ci se propose de gérer très finement l'évolution du mental du PJ en faisant découler toutes ses chances de réussite de celui-ci. Bien Noir dans l'esprit. Le mental est donc divisé en nombreuses caractéristiques (courage, corruption, générosité...) opposées en paire antagonistes, un peu à la manière du vétéran Pendragon (voir photo de la fiche de perso à la fin de l'article). On note leur évolution par des cases à noircir ou à gommer.

     

    Cette évolution se fait essentiellement selon deux voies : d'une part, les choix du joueur en fonction de son interprétation (par exemple, "je choisis de céder à la corruption, etc), d'autre part, après un conflit réussi ou raté (c'est là où l'ORE intervient) contre le mental d'un PNJ ou d'un autre PJ. Cela ouvre donc la porte à la gestion de manipulations mentales où les PJ tentent de prendre l'ascendant sur les PNJ (ou l'inverse) en les faisant se comporter selon leurs voeux. Bon, bien sûr, si vous préfréez leur coller une bonne bastos dans la tête, c'est possible aussi (hop, retour à l'ORE plus classique).

     

    Comme on le voit, le système est très bien adapté à l'ambiance Noir mais, faute de test, je ne peux jurer qu'il soit très efficace. En effet, on est là vraiment dans le cadre du "system does matter" (le système est central, en quelque sorte). Du coup, il faut continuellement avoirr ecours aux règles, sans cesse noircir et gommer des cases dès qu'il se passe quelque chose ou qu'on fait faire quelque chose à son alter ego. Pas toujours très pratique (ni Patrick, d'ailleurs). Il pourrait d'ailleurs être judicieux de prévoir autre chose comme compteurs : des jetons ou un trombone qu'on déplace sur une échelle car là, en l'état, je ne donne pas cher de la feuille de perso aptès 2 ou 3 h de jeu.

     

    Bon, OK, mais à part le système ?

     

    Bah rien. Pour ne pas déroger à une règle solidement établie chez les indés et autres narrativistes chébrans, il n'y a rien d'autre que des règles et quelques (rares) conseils : pas de background (procurez-vous plutôt Hellywood), pas de scénar'. Dommage et surtout : en quoi est-ce antinomique ? On peut tout à fait avoir un système novateur et qui matter un max ET du background, non ? Surtout que là, ce n'est pas du sans MJ ou ce genre d'expérimentrations de narration partagée.

     

    Bon, le point positif de ce parti-pris, c'est qu'au final on a un petit livret (70 pages A5), pas cher (environ 15 euros) qui permet de rendre tout ça très accessible.

     

    On finit par quelques photos "outtabox".


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    Une couverture dont on ne sait si on doit la trouver classe ou kitsch. En tout cas, elle a un petit quelque chose de Blade Runner, vous ne trouvez pas ?

     

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    Photos NB vieillies, Film Noir... le 4ème de couv' est plus explicite. Marlowe, nous voilà !

     

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    Les illus intérieures sont toutes des photos NB artificiellement viellies mais c'est vraiment bien foutu : bonne ambiance. La mise en page est... euh... minimaliste. Comme on le voit, le texte est assez aéré.

     

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    Tout pareil.

     

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    La fiche de personnage est un peu laide et fait un peu peur. En même temps, "system does matter" comme dirait l'autre.


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  • « Comme une meute de loups hors du fjord natal, fatigués de porter nos misères hautaines, nous partions, ivres d'un rêve héroïque et brutal. Penchés à l'avant de nos puissants drakkars nous regardions monter en un ciel ignoré du fond du Maelstrom des étoiles nouvelles… »

     

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    Au nord, c’était les Vikings…


    Je ne sais pas si c'est Croc, avec sa manie de coller des vikings partout, qui a influencé les autres créateurs d'univers de jdr, mais toujours est-il qu'on les retrouve plus souvent qu'à leur tour, dans tout un tas d'univers, y compris dans l'espâââce (à tel point que je m'étonne qu'il n'y ait pas encore de vikings dans Terra Incognita ^^ ) !!!

    Il faut bien avouer que conquérants voyageurs, mi-commerçant, mi-pirates, mus par le goût de l’aventure font de très bons clients pour les joueurs de tous poils. Dans notre "réalité", ces hardis aventuriers se répandirent sur le monde connu et découvrirent les premiers nombres de pays alors inconnus, tel l’Islande, le Groenland, le nord de l’Amérique…

    De fait, les vikings ont fait preuve d’une grande habileté, venant tantôt en commerçant, tantôt en pirates disparaissant dès leur raid accompli, tantôt enfin en conquérants.

    C’est ainsi qu’on les vit établir des comptoirs de commerce, ou bien dévaster une région avant de rentrer chez eux chargés de leurs rapines, ou encore conquérir des terres, s’y installer et les organiser avec succès.

    Bien qu’il soit difficile de les départager, on admet aujourd’hui que les Danois se portèrent vers l’Angleterre et la France, les Norvégiens vers l’Ecosse, l’Irlande et l’Islande, tandis que les suédois allèrent vers l’Est fonder le tout premier empire russe.

    C’est ainsi que du Ive au XIe siècle, on les retrouva de l’Amérique à la mer Caspienne, de la mer du Nord jusqu’au Maroc et en Tunisie.

     

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    Des commandos en périples


    Venus tout d’abord en commerçants, on trouve leurs comptoirs, parfois fortifiés, à partir du IIIe siècle, en Bretagne, en Belgique, dans le dessin. Certains d’entre eux sont déjà installés près de Caen et de Bayeux, dans ce qui sera plus tard la Normandie, pays des hommes du Nord, ainsi qu’en Angleterre, en Cornouailles et dans l’île de Wight.

    Vers le Ive siècle, commencent progressivement des « commandos » dévastateurs en France et en Angleterre, ce qui ne les empêche nullement de se faire la guerre dans leur propre pays, souvent fractionné et divisé en une multitude de petits royaumes hostiles : la Norvège compte à un moment 40 roitelets se donnant des noms d’oiseaux. Mais c’est surtout du IXe au XIe siècle que les Vikings, à leur apogée, vont déferler partout.

    Dès la mort de Charlemagne, en 814, ils mettent à sac l’abbaye de Noirmoutier et s’installent dans cette île qui leur servira de repaire pour d’autres expéditions fructueuses. C’est ainsi qu’outre Noirmoutier, ils ont choisi d’autres îles, comme Walcheren aux Pays-Bas et Oyssel, près de Rouen.

    S’ils sont volontiers pillards et dévastateurs, les Vikings ne sont pas des hordes. Au contraire, ils sont fort bien organisés, sachant, en vrais diplomates talentueux, utiliser les faiblesses de leurs adversaires, les rois de France qui, fréquemment, devront acheter sans gloire leur départ…

     

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    Les rois des mers


    En 842, les voici à Rouen. Le jour de Pâques 845, ils pillent Paris après que leur chef, Ran Ragnard Lodbrok, ait vaincu d’un cheveu Charles le Chauve, petit-fils de Charlemagne. Sur une rive de la Seine, face aux troupes royales, par défi, Ragnard fait pendre plus de 1000 prisonniers. Il utilise ensuite les poutres de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés pour réparer ses navires amarrés sur le fleuve et Charles le Chauve doit promettre une somme fabuleuse – plus de 7000 livres d’argent – pour obtenir leur départ.

    La France et l’Europe occidentale de façon générale sont alors à feu et à sang. Le roi de France crée des « Ducs » pour défendre les points menacés du royaume. Du Rhin aux Pyrénées, les côtes de France sont bloquées par les navires vikings.

    En 848, le chef viking Hastings accomplit un périple invraisemblable, s’emparant de Bordeaux, d’Agen et de Toulouse, tandis que Tarbes, seule, lui résiste victorieusement. Il reste dix ans en Aquitaine, puis reprend son avance vers le Sud : Porto, Lisbonne, Cordoue, Séville tombent tour à tour.

    Franchissant le détroit de Gibraltar, les Vikings s’emparent alors de Barcelone et de Marseille, s’installent en 859 en Camargue, abandonnée par les Arabes, vont à Florence et finissent par prendre Rome !

    En 862, un autre chef viking, Voelrund, installé dans la Basse-Seine, accepte de rendre hommage à Charles le Chauve, roi de France, poussant même le zèle jusqu’à se faire baptiser chrétien, faisant très vite rembarquer en Scandinavie les soldats de son armée qui ne se convertissent pas.

     

    Vous pourrez prochainement lire la suite de cette incursion viking dans les Mondes en Chantier dans le prochain et dernier chant de la série : SAGA III !

     

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  • … La voix suave de la belle Frykka, la chanteuse aux longues nattes blondes berce encore un temps les voyageurs fourbus, l’envoûtante musique qui formait jusque-là comme un chaud manteau de fourrure en arrière plan de toutes les conversations s’arrête alors, les musiciens posent leurs instruments et chacun fait silence. Tous les regards se tournent vers le coin de la salle, dans la pénombre sous l’escalier où Hastings - le vieux guerrier devenu scalde - s’est installé comme à son habitude. Il lève sa choppe et prend une dernière gorgée, paraît savourer la bière en passant la langue entre ses dents et sur sa lèvre inférieure pendant qu’il prend la mesure de son public, fixe un moment la table comme s’il se recueillait, puis il commence son récit, tout en cherchant à capter le regard de la jeune femme :

     

    « Comme une meute de loups hors du fjord natal, fatigués de porter nos misères hautaines, nous partions, ivres d'un rêve héroïque et brutal. Penchés à l'avant de nos puissants drakkars nous regardions monter en un ciel ignoré du fond du Maelstrom des étoiles nouvelles… »

     

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    Les loups de mer

    A l’heure où notre président nous bassine avec des billevesées sur les supposées racines chrétiennes de la France (s’il était allé un peu plus longtemps à l’école, il saurait peut-être avec l’historien Paul Veyne qu’en Histoire, les racines n’existent pas*), pourquoi ne pas profiter de la sortie récente du supplément Rois des mers pour Yggdrasill ou du débarquement des Loups du Nord dans Wasteland pour nous pencher sur les vikings de la France ! En effet, après leurs invasions, les vikings se sont en quelque sorte intégrés parmi nous : leur chef, Rollon, n’est-il pas en effet l’ancêtre de la presque totalité des maisons royales d’Europe ?

     

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    Légendes nordiques

    Dans les temps les plus reculés, l’Histoire et la légende se confondent. D’où venaient donc ces grands blonds courageux et parfois cruels qui, des pays nordiques descendirent à maintes reprises, plusieurs siècles durant, vers les terres verdoyantes, pour fonder, chez nous, la Normandie ? Seuls les récits des vieilles « sagas » scandinaves alliant poésie, merveilleux à l’Histoire avec une grande hache, nous révèlent leur origine lointaine.

    Odin, prêtre du dieu éponyme, était à la tête d’un royaume situé entre la mer Caspienne et la mer Noire, en même temps que l’allié de Mithridate. Lorsque Pompée battit Mithridate, vers l’an 73 av. J.-C., Odin quitta son pays afin de se rendre chez les Germains, vers le nord.

    De conquête en conquête, il arriva au Danemark et fonda dans la grande île de Fionie, au Danemark, la ville qui porte encore son nom : Odense.

    Après avoir soumis entièrement le Danemark, il réussit à s’emparer de la Suède, puis de la Norvège, pour créer autour de la Baltique, un empire Viking**.

    En quittant le domaine de l’Histoire légendaire, on observe que les anciens scandinaves admettaient que des asiatiques étaient venus chez eux en leur imposant une civilisation et une religion nouvelles. Odin apparaît, avec le recul, comme un chef militaire et religieux qui fut ensuite divinisé et qui finit par être confondu avec le dieu dont il se réclamait et portait le nom.

    L’origine des Viking n’est donc pas uniforme. Ces géants blonds semblent bien être, à l’origine, des Goths, venus d’Asie, qui se mêlèrent à la population déjà installée dans les pays nordiques. Cet instinct de voyageurs aventureux qui les avait conduits d’Asie en Germanie, puis en Scandinavie, fut un trait essentiel de leur caractère durant des siècles.

    On sait à quel point ces barbares païens eurent une magnifique civilisation : on a tout dit de leurs bijoux, de leurs monuments en bois, des runes gravées dans la pierre, comme de leurs légendaires drakkars peints et sculptés, maniables à la voile comme à la rame, qui servirent si souvent de tombeaux à leurs chefs.

     

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    La suite de cette invasion viking des Mondes en Chantier dans SAGA 2 !

     

    * : On peut plutôt parler de terreau commun, composante parmi d’autres d’une civilisation. Cf : P. Veyne, Quand notre monde est devenu chrétien, Ed. Albin Michel, 2007.

     

    ** : L’étymologie du mot « Viking » est controversée mais viendrait du mot vik qui veut dire fjord.

     

     


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